L'AUTRE QU'ON ADORAIT, de Catherine CUSSET

Publié le 2 Août 2019

Livre audio, Catherine Cusset, L'autre qu'on adorait, critique, chronique, avis de lecture

Roman - Editions Gallimard - 7h31 d'écoute - 14.13 €

Parution d'origine chez Gallimard en août 2016

L'histoire : Catherine, la narratrice, fait revivre Thomas en déroulant son histoire. Thomas fut son amant, puis son proche amis. Entre la France et les Etats-Unis, cet homme d'une vitalité exubérante, des projets plein la tête, survécu d'échec en espoir de réussite dans le monde universitaire américain jusqu'à mettre fin à ses jours à l'aube de ses quarante ans.

Tentation : Le sujet

Fournisseur : Bib N°3

 

Mon humble avis : Cette lecture me laisse un peu mitigée malgré la qualité certaine de l'oeuvre et de style. 

Le roman de Catherine Cusset, qui parle évidemment d'un personnage réel est donc partiellement autobiographique. Catherine Cusset raconte la vie de Thomas, telle qu'elle l'a perçue, telle que sans doute les témoignages de l'entourage l'ont décrite. Mais parler à la place d'un mort n'est pas aisé, surtout quand il s'agit d'un suicidé et que l'issue fatale est liée à une pathologie. Ici la bipolarité. Car il est impossible de se mettre dans la tête d'un bipolaire et de saisir pleinement ses souffrances, ses doutes, ses angoisses, ses excès d'énergie, d'enthousiasme débordant suivant des angoisses les plus profondes, de procrastination, des périodes de lassitude et d'inactivité, tout ceci prenant racine dans l'invisible et l'impalpable. Déjà un bipolaire a beaucoup de mal à expliquer cela, alors pour une plume extérieure, l'exercice est périlleux. Et je parle en connaissance de cause car bipolaire, je le suis. Et c'est là que le bât blesse dans ce roman... Il y manque l'émotion, la puissance dévastatrice de la douleur, l'intériorité. Thomas est décrit de l'extérieur, malgré ses confidences à la narratrice.

D'autant que le mot bipolarité et le diagnostic n'interviennent qu'aux trois quart de l'histoire, voire plus loin encore. Et c'est à ce moment que la lecture devient plus prenante et émouvante, quand on sent que la descente aux enfers de Thomas n'en finira jamais.

Nous suivons Thomas sur plus de vingt ans... Depuis globalement sa première crise maniaco-dépressive lors de vacances entre copains à l'étranger. Nous suivons toutes ses études, parsemées d'échecs et de petites réussites, et toute sa vie professionnelle sur le modèle de ses études. Au début, j'ai trouvé cela intéressant de découvrir le fonctionnement du système universitaire américain (thèse, doctorat, publication etc... )Mais comme cela se poursuit sur plus d'une décennie, j'ai fini par avoir l'impression d'écouter une longue litanie... Candidature, rentrée universitaire, cours, rédaction de thèse etc... Le tout couplé aux émois amoureux régulièrement enthousiastes puis désespérés de Thomas.

J'imagine que peut-être, les lecteurs qui méconnaissent les maladies bipolaires peuvent être déconcertés par cette lecture très chronologique et donc répétitive, où les indices de la pathologie peuvent presque paraître invisibles si l'on n'est pas un minimum informé sur la maladie... Et de ce fait, le personnage de Thomas peut paraître bien souvent fainéant, prétentieux, orgueilleux, irresponsable, bref, pas forcément attachant pour le lecteur, même si dans sa vie, Thomas est aimé et ne manque ni d'amis ni de connaissances. Alors que lorsque le diagnostic tombe, on souffre avec lui. Si j'avais été Catherine Cusset, j'aurais ouvert le roman sur le diagnostic, pour ensuite dérouler la vie de Thomas qui aurait été ainsi éclaircie et expliquée par cette maladie qui est, rappelons-le, classée par l'O.M.S comme l'une des 10 maladies les plus invalidantes du monde. Et là, et alors seulement là, "l'autre qu'on adorait" aurait été un roman utile pour que les maladies bipolaires soient mieux connues et mieux comprises par un plus grand nombre.

Je n'ai pas les mots exactes de Catherine Cusset, mais sur la fin, elle dit : "Lorsqu'un bipolaire meurt, c'est un rire qui disparaît de la terre". Et oui, en public, les bipolaires sont souvent très drôles, bout en train, débordants d'énergie. Ils apprennent à s'imiter eux-mêmes lors des moments difficiles, pour donner ce que l'on attend d'eux : humour et énergie.

L'avis de Sylire

 

 

Rédigé par Géraldine

Publié dans #Littérature française, #Livres audio, lectures audio

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S
Le fait que tu sois concernée te donne une lecture très personnelle et je peux donc comprendre tes réserves. Quand on connait un sujet, on est plus exigeant.<br /> Personnellement, j'ai beaucoup aimé ce livre, vraiment beaucoup.
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A
La bipolarité, c'est clairement un sujet qui mérite qu'on se penche dessus mais j'avoue que le faire à travers ce livre ne me tente pas trop.
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K
Ton analyse de ce roman est très pertinente. La bipolarité est une maladie difficile à cerner, à comprendre pour qui n'en est pas atteint.
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A
Je n'ai jamais lu Catherine Cusset, pourtant un titre découvert grâce aux blogs dort dans ma PAL...
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K
J'aime beaucoup ton regard sur cette lecture (que j'ai abandonnée dès le début, je fatiguais de la reconstitution historique des années 80)
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