LES GUERRES INTERIEURES, de Valérie TONG CUONG
Publié le 24 Mars 2020
Roman - Editions JC Lattès - 238 pages - 19 €
Parution le 21 août 2019, RL sept 2019
L'histoire : Pax est un acteur mature... mais de seconde zone. Un jour, le miracle arrive enfin : un rendez-vous immédiat avec un immense réalisateur américain. Avant de s'y rendre, Pax passe vite fait chez lui pour se changer. Il entend alors des bruits brutaux inhabituels provenant de l'appartement au-dessus du sien. Il s'interroge, s'inquiète mais passe outre : le rendez-vous et sa future réussite avant tout.
Quelques jours plus tard, il apprend qu'une agression a eu lieu dans son immeuble et qu'Alexis, une jeune étudiant, a été laissé pour presque mort.
Dans les semaines qui suivent, les aléas de la vie l'amènent à rencontrer la mère d'Alexis, dans un tout autre contexte. Commence alors pour Pax un réel combat intérieur : la culpabilité, le mensonge, la rédemption possible ou pas...
tentation : La blogo
Fournisseur : Bib N°1
Mon humble avis : Lors de la rentrée littéraire de septembre dernier, les avis sur ce roman se sont multipliés : nombreux étaient élogieux, d'autres mitigés. Quand je suis "tombée" sur ce titre lors de mon dernier passage à la bib, je l'ai saisi, et aussitôt lu, aussitôt dévoré. Bref, j'ai adoré cette histoire marquante et la façon dont elle est traitée.
Valérie Tong Cuong évoque magistralement, avec une plume soignée, délicate mais on ne peut plus fluide notre société actuelle, ses déviances, ses antagonismes.... Depuis un certain temps, l'individu oublie le plus souvent sa responsabilité collective et citoyenne. L'aide à autrui passe après une longue réflexion sur les risques (majeurs ou mineurs) qui en découlerait. De plus, il est mal vu de s'occuper des affaires des autres, ce qui est considéré comme une intrusion déplacée... Sauf qu'en même temps, tout le monde étale sa vie sur les réseaux sociaux. Seuls les drames collectifs réunissent les êtres. Les drames individuels ne sont pas les problèmes des autres. On s'insurge contre le sort des migrants qui se noient en Méditerranée mais celui du SDF que l'on croise régulièrement "indiffère" par confort, parce que trop près de nous, rendant bien plus facile le potentiel coup de main par exemple. Les guerres intérieures est donc un roman sur la lâcheté, l'indifférence contemporaine lorsque l'on est directement concerné...
Ici, elle est mise en scène dans un climat général anxiogène (les attentats, les 2 jeunes femmes qui se font poignardées sur un quai de gare) et dans le quotidien de 3 personnages principaux. Pax, celui qui ignore les bruits suspects et violents dans l'appart , habité de puis peu, au-dessus de chez lui... Ces bruits sont ceux de l'agression gratuite du jeune Alexis, qui sera presque laissé pour mort. Pax tait à la police qu'il a vu, de dos, un homme descendre les escaliers. Puis Pax rencontre accidentellement et sans le savoir la mère d'Alexis. Une relation intime naît entre les deux adultes... Une relation qui prend forme sur une énorme omission et qui double d'intérêt lorsque l'on apprend qu'Emi, la mère d'Alexis, vit une situation de responsabilité non assumée, une culpabilité similaire à celle de Pax. Lorsque Pax rencontrera Alexis, il n'aura de cesse de tenter de réparer sa lâcheté, de redonner à Alexis le goût de la vie. Mais est-ce suffisant pour trouver la rédemption, effacer cette culpabilité qui envahit toute la vie ?
La lâcheté, la culpabilité, l'individualisme, la torture des cas de conscience (les fameuses guerres intérieures), la société dévoreuse des hommes sous prétexte de la rentabilité, les conséquences d'un traumatisme, voici tous les sujets que ce magnifique roman aborde avec délicatesse, émotion maîtrisée, et qui a la maestria de constater plus que de juger. Un roman qui invite à retrouver l'humanité collective et individuelle. Je conseille sans retenue !