CONFERENCE DE JEAN TEULE A RENNES
Publié le 14 Avril 2013
C'est avec un bon mois de retard que je partage avec vous cette truculente conférence donnée par Jean Teulé à Rennes, invité par les Champs Libres et la Librairie Le Failler. Je ne connaissais que l'écrivain via 2 livres et là, j'ai découvert un homme certes cultivé (on le savait déjà), mais surtout très drôle. Cette conférence fut donc intéressante et presque aussi animée qu'un one man show d'un humoriste.
Cette fois ci, Jean Teulé, interrogé par Maitre Hardouin, nous présentait son dernier roman historique "Petite Fleur de Tonnerre, publié chez Julliard. Ce roman raconte l'histore vraie d'une Bretonne, Hélène Jegado qui, au XIXème siècle, tua des dizaines de personnes... Elle fut donc la plus grande serial killeuse connue de Bretagne, mais aussi du... monde !
Extraits de cette rencontre :
MH : On m'a dit que vous étiez drôle. On parle partout de vous. Alors, quelques questions sur vous...
JT : Je suis née en le 26/02 1953 en Normandie. Je vie avec une Bretonne (Miou Miou N.D.L.R) qui n'a pas voulu acheter une maison en Normandie... J'ai arrêté l'école en 3ème, dernier de la classe, donc orienté en mécanique auto... Le lendemain, lors d'un cours de dessin, le prof me dit qu'en travaillant, j'ai le talent nécessaire pour suivre une école de dessin. Pour me mettre à niveau, ce prof m'a donc donné des cours de dessin gratuis. J'ai donc été reçu au concours de l'école. Plus tard, en rentrant dans une librairie et grâce à une rencontre fortuite, je suis devenu dessinateur de BD et notamment, BD de reportage. Puis, c'est Bernard Rapp qui m'a contacté pour l'Assiette Anglaise à la TV. Enfin, l'éditeur Julliard m'a dit que j'avais l'étoffe d'un écrivain, d'un écrivain qui ne se connaissait pas ! Donc nous avons signé le contrat... A 60 ans, je n'ai donc toujours pas choisi ce que je veux faire !
JT : Les histoires qui m'intéressent ne sont pas très gaies... C'est de la faute de ma mère, qui me racontaient des histoires cauchemardesques. Mais j'essaie toujours de "faire rire des choses pas drôle" comme on se le disait avec mon pote Philippe Léotard.
J'aime bien remettre en lumière des personnes oubliées, comme dans Charly 9 ou dans Mangez le : tout le monde contre un seul type. Fleur de tonnerre a été une femme seule contre tout le monde. Elle a été accusée de 37 meurtres, mais on pourrait facilement porter le nombre à une soixantaine.
MH : Pourquoi ce titre ?
JT : C'est le surnom que lui donnait sa mère et c'est une fleur qui existe sur les talus.
MH : On a l'impression que vous trouvez à cette empoisonneuse une charme discret et subtile ?!
JT : Il parait que jeune, elle était très jolie, même si cela va moins bien après ! "Chaque pays a sa folie, la Bretagne les a toutes" ! Franchement, les légendes Bretonnes sont des légendes de tarés, complètement foldingues !!!
MH : Vous êtes fâchés avec beaucoup de monde ?
JT : Non, ça va mieux. Miou Miou m'a dit que je ne devais plus me mettre tout le monde à dos ! Je suis personna non grata dans pas mal d'endroits au fil de mes écritures ! Donc quand Miou Miou et moi avons acheté une maison en Bretagne, elle m'a dit : "n'emmerde pas les Bretons" !
Pour en revenir à notre empoisonneuse, Hélène Jegabo a voulu se cacher dans un couvent à Auray et souhaiter y être cuisinière, ce qui lui fut refusé ! Alors, elle a découpé les visages de Jésus et de Marie dans l'Eglise, les livres, ainsi que les robes des soeurs au niveau des seins.
MH : Hum Hum.. Pas très délicat...
JT : Quand j'étais jeune, j'ai travaillé chez Harakiri, donc ce n'est pas là que tu apprends la délicatesse. J'ai perdu plein de procès ! On m'a dit : " Jean, il ne faut emmerder que les pauvres, ils sont les seuls à ne pas porter plainte !"
Pour ce qui est des crimes d'Hélène par empoisonnement... C'est une méthode assez rare maintenant, car il y a les autopsies. Alors qu'à l'époque, il y avait le choléra et les Bretons refusaient qu'on ouvre les corps !
JT : A la fin de sa carrière, Hélène se fait embaucher à Rennes chez un juge expert en affairs criminelles. Elle empoisonne deux servantes et en loupe une 3ème. Elle va se faire prendre en tentant d'empoisonner son patron... car les médecins rennais étaient bien plus pointus. Hélène était venue à Rennes comme un suicide, ou comme une provocation supplémentaire.
MH : Auriez vous accepter de défendre cette Hélène ?
JT : Je ne sais pas mais j'aurais bien aimé avoir le talent du jeune avocat de 24 ans qui l'a défendue avec génie : "Vous devez juger les humains, hors ma cliente est inhumaine".
MH : Quelle aurait été votre stratégie de défense ?
JT : Pas la peine de mort en tout cas.
MH : Hélène nie les faits et tombe malade, cancer du sein gauche...
JT : Hélène a empoisonné sa mère à 8 ans. Il faut qu'elle tue. Quand elle ne peut pas, elle babine les objets et quand elle ne peut pas non plus, elle se "tue" elle même, en développant un cancer.
MH : Qu'est-ce qi explique cet itinéraire invraisemblable ?
JT : Petite, Hélène entendait les histoires Bretonnes. Elle s'est prise pour la réincarnation de l'Ankou. Elle empoisonnait tout le monde, même ceux qu'elle aimait beaucoup ! Cette Hélène devrait être considérée comme une star mondiale du crime ! C'est la plus grande empoisonneuse de Bretagne, de France, et même du Monde !
MH : Et elle n'est pas plus connu que ça ?!
JT : Son procès a débuté le 6 décembre 1851. Quatre jours avant, il y a eu le coup d'Etat du futur Napoléon III. Du coup, le procès d'Hélène a été zappé, est tombé dans les oubliettes de l'Histoire. Il était temps que j'arrive pour remettre Hélène dans la mémoire collective !
MH : Comment est venue l'envie d'écrire sur ce sujet ?
JT : Au salon du livre de St Malo 2011 (mai) (Etonnants voyageurs), pendant que je faisais la promo de Charly 9, on m'a offert le gâteau d'Hélène, de la patisserie Durand à Rennes, garanti sans arsenic ! J'ai commencé des recherches. J'ai lu tout ce que je pouvais sur le sujet, sur la Bretagne, sur le Celtisme. Je me suis documenté jusqu'en novembre 2011....
Puis je me suis mis à l'écriture. Je travaille tous les jours de 10h à 19h quand j'écris. J'ai besoin d'être en transe, donc pas de vacances, histoire de ne pas perdre le fil.
JT : Je m'identifie beaucoup au personnage. Avec ce livre, j'ai commencé à avoir très mal au ventre. J'ai du aller chez un promptologue pour savoir que je n'avais rien. Je lis très peu de roman, surtout quand j'écris, car je crains toujours de préférer lire les romans d'un super auteur plutôt que d'écrire. Trop lire ne permet pas de bien écrire. J'aurais peur que la lecture me coupe les pattes. Par contre, la poésie, quand ce n'est pas emmerdant, c'est ce qu'il y a de plus beau au monde. Mais il faut avouer que c'est chiant à 90 %.
MH : Aujourd'hui, que dirait on médicalement d'Hélène ?
JT : Hélène était un cas de perversité psychiatrique, lié à un traumatisme d'enfant qui entraîne une irresponsabilité phénoménale.
Les parents donnent leurs angoisses aux enfants et ne les protègent plus. Hélène est devenue l'angoisse de ses parents pour ne plus avoir peur. Deux heures après sa mort, elle avait encore comme des secousses de peur. Si tout cela est arrivé, c'est parce qu'elle a eu trop peur.
Ce livre est donc surtout l'histoire d'une petite fille qui a eu peur plus que celle d'une serial killer. Et c'est très contemporain car en ce moment, tout le monde a peur...
Et voici mes photos de mains et d'effets de mains d'auteurs. Avec Teulé, je dois dire que j'ai vraiment pris mon pied. D'ailleurs, certaines de ces photos parsèment déjà ce billet et le choix a du être drastique !
J'aime beaucoup celle ci, qui, dans un autre contexte, pourrait avoir comme légende : Et celle là, tu l'as vue, tu la veux ?!!!