TU, de Sandrine SOIMAUD
Publié le 25 Septembre 2011
Roman - Editions Buchet Chastel - 213 pages - 17 €
Parution 18 août 2011
RENTREE LITTERAIRE SEPT 2011
L'histoire : Lisa, 41 ans, est en hôpital psychiatrique. Elle entend une voix qui la poursuit dans ses moindres retranchements. Seules les pilules et les perfs lui promettent un échappatoire. Parfois, elle se maquille. Du rouge qui déborde de ses lèvres, pour son rendez vous hebdomadaire avec le psychiatre. C'est sur, il va l'aimer. Lui, il est devenu son obsession. Il faut qu'elle se souvienne... Pourquoi est elle là ? Pourquoi a-t-elle perdu la raison ? C'est page à page qu'on le découvre. Nos intuitions nous mènent à penser au pire... Mais c'est le mal qui l'emporte, même si le mal est parfois pire que le pire, même si le mal mériterait bien le pire.
Tentateur : Denis, de Libella
Fournisseur : L'editeur Buchet Chastel, libella, merci pour l'envoi
Mon humble avis : C'est la 4ème de couv qui m'a attirée vers ce livre, même si je l'avais lue en diagonale et en fait de travers... tant mieux pour le "de travers", il m'a permis d'ajouter encore un peu plus de mystère à la lecture et donc de plaisir !
Et pourtant, suite à un avis "inquiétant" lu sur la blogo, j'avoue, je suis entrée dans ce livre à reculons. C'est vrai que le mode narratif est déroutant. Lisa est souvent interpellée par cette voix qui la tutoie (d'où le TU) et qui est la narratrice du livre. De ce fait, cette voix parle parfois en son nom, donc à la première personne du singulier, "je, moi". Et comme cette voix fait partie intégrante de Lisa, certains passages usent de la 3ème personne : On. Une fois saisi cela, j'ai effectué un virage à 180° et suis rentrée corps et âme dans ce roman pour me prendre une sacrée claque. C'est grandiose, magistral, passionnant et effrayant à la fois.
Je pense que cet imbroglio de "Je, tu, on" est voulu par l'auteur et nécessaire. Il amène directement le lecteur dans l'esprit confus de celle qui a perdu la raison, qui ne sait plus qui elle est. Au début, je pensais que cette voix est celle que nous avons tous parfois, notre démon intérieur contre lequel on se débat, qui nous fait ressentir de mauvaises pensées, qui nous provoque. Ensuite, j'ai imaginé que c'était l'autre voix, celle de la raison qui lutte pour nous garder à la surface et nous éviter le pire. Et finalement, c'est autre chose, c'est cette chose que nous avons toujours en nous et que souvent nous occultons quand elle est douloureuse et que nous entretenons quand elle est heureuse.
Pour Lisa, cette chose est malheureuse et biaisée depuis si longtemps. Aussi, on réalise bien vite que ce n'est pas une raison unique qui l'a conduite entre ces murs blancs, mais une succession de traumatismes (même s'ils peuvent paraitre insignifiants) qui a aboutit au trop plein. Au mot de trop. MAis surtout, au pas assez. Pas assez d'affection du père qui l'appelle "Le tas", une froideur de la mère qui a toujours raison et la tient coupable de beaucoup de choses, qui ne lui apprend pas l'amour des hommes, cet amour que Lisa va tellement mal chercher qu'elle ne trouvera jamais. La vie de Lisa est une recherche d'elle même à travers un désert affectif. On pense deviner la raison de sa présence en ce lieu, ce que le médecin veut lui faire dire semaine après semaine. J'ai imaginé le pire. J'avais tout faut. Il y a peut-être pire que le pire en fait. Alors oui, il y a aussi une forte place pour le suspens dans ce livre qui tient en haleine. Sans compter que l'on ignore qui est la vraie Lisa dans ce conflit intérieur, la voix ou Lisa ? Ou les deux ?
Ce texte noue la gorge et fascine en même temps, tant Sandrine Soimaud décrit à la perfection la vie en hopital psychiatrique, avec ses habitudes et ses répétitions (vue de la patiente, donc toujours plus ou moins dans un vague brouillard médicamenteux et une folie qui ronge). Je me suis dit, pour en parler aussi bien, il faut l'avoir vécu et s'en être sortie, alors là chapeau ! On peut aussi juste être très humain, très l'écoute de la détresse d'autrui, très informée, très imaginative, excellent écrivain pour créer une telle histoire dans cette atmosphère et alors là, je tire encore plus mon chapeau.
La folie (et autres maladies mentales) est un monde inaccessible aux sensés qui ne peuvent pas la comprendre, ni en imaginer les conséquences faute de l'avoir vécue. Alors les sensés ferment les yeux et se bouchent les oreilles, tout cela, ils ne veulent pas l'entendre car ils ne le comprennent pas. Sandrine Soimaud vous offre l'opportunité de vivre la folie de l'intérieur, de l'expérimenter sans danger, et alors de comprendre un peu plus cet état dont personne, personne n'est à l'abris. Je pense que c'est l'une des seules choses sur terre devant laquelle nous sommes égaux, que l'on soit cravatté en Hermès et vêtu de haillons.
Petite précision : J'ai lu quelque part "c'est un livre qui se lit vite". Je ne suis pas d'accord. C'est un livre qu'il faut prendre le temps de lire... Nuance.
Ma rentrée littéraire se passe à merveille !
6ème participation