LA MALICIEUSE REVANCHE D'UN SOUFFRE-DOULEUR
Publié le 25 Octobre 2017
Roman - Editions Mazarine- 286 pages - 17 €
Parution le 6 septembre 2017 : Rentrée Littéraire !
L'histoire : Dans un collège parisien, c'est la rentrée scolaire. La sixième, pour une tripotée de préadolescents, apporte une flopée de nouveautés : nouveaux profs, nouvelles matières, nouveaux copains... ou pas. Car difficile de faire partie du groupe, de la bande, si l'on est trop gros, trop petit, trop bizarre, trop bigleux etc. C'est encore plus difficile quand on s'appelle Thierry et que l'on est le fils du dirlo, ou lorsqu'on est Arthur et que le paternel n'est autre que le ministre de l'Education Nationale. Entre vacheries, amours naissants, bonnes blagues d'enfants et stratégies presque militaires pour se faire accepter, c'est Arthur qui nous raconte cette année scolaire qui marquera sans doute tous les protagonistes.
Fournisseur : Reçu dans ma BAL, envoi de l'éditeur.
Mon humble avis : Quelle lecture.... Laborieuse pour moi ! A la fin de mon humble avis de lectrice déçue, vous trouverez "le droit de réponse" de l'auteur, suite à nos échanges de mails.
J'ai reçu ce livre sans l'avoir demandé. Cependant, le titre m'a parlé et je me suis dit : "pourquoi pas". En effet, en classe de troisième, j'ai moi-même été le souffre-douleur, la tête de turc, le bouc émissaire de ma classe et même de mes "supposées amies" de l'époque. Ce fut à tel point que mes parents ont dû me retirer de la cantine, histoire de limiter mon temps passé au collège et dans la cours de récré, lieu de tous les supplices. Pourquoi je fus ainsi la cible des autres ? Toujours aucune idée franche. Etais-je trop quelque chose ou pas assez autre chose ? D'apparence en tous cas, j'étais à priori normale... Mais je n'avais pas encore embrassé un garçon avec la langue, là devait être mon crime, ma tare !
Bref, revenons au roman. L'intention est bonne et sincère. Ca se ressent au fil des pages et surtout à la fin ! Ce roman montre très bien l'importance pour un enfant de faire partie d'une tribu, DU groupe qui possède son chef charismatique, qui bien souvent, n'est pas le premier de la classe. Les difficultés d'intégration, l'énergie dépensée pour faire oublier sa "différence, la tristesse de ne point y parvenir sont bien développées. Tout comme les stratégies cruelles qui sont de désigner un autre souffre-douleur pour éviter de le devenir soit même. Voilà le point positif de cette histoire. Et hélas, le seul !
Quand je me plonge dans un roman, deux solutions : soit je ne prête quasiment pas attention au style parce que je suis prise par l'histoire, le suspens etc. C'est le cas en général avec les thrillers, qui sont le plus souvent bien écrits, mais sans plus. Disons que le style, bien qu'efficace est plutôt secondaire.
Deuxième solution, j'entame un livre considéré comme "plus littéraire" et j'aime me délecter de la plume, l'admirer, la décortiquer pour qu'elle me pénètre dans l'espoir (vain évidemment) d'en être un jour l'auteure !
Avec ce roman... Ce fut la catastrophe... Dès le début. Que d'erreurs de syntaxe, de grammaire, de conjugaison ! Quelle lourdeur de style ! Que de répétitions d'adverbes, de mots ou de vocabulaires de même racine dans le même paragraphe, où l'on passe au petit bonheur la chance du présent, à l'imparfait, au passé simple, antérieur, puis composé... Quand soudain surgit un subjonctif imparfait ! (Dans la bouche d'un gamin...). Car oui, l'un des problèmes narratif de cette histoire, c'est qu'elle est censée être contée par le narrateur, Arthur, 12 ans. Sauf que quelques phrases laissent parfois penser que c'est Arthur 40 ans qui a pris la plume et qui se souvient. On sent beaucoup trop le recul de l'auteur adulte dans les analyses des situations. De même, les réflexions d'Arthur font parfois preuve d'une grande maturité, tant dans la matière que dans le vocabulaire utilisé. On a l'impression d'être dans la tête d'un adulte qui se souvient de son enfance pour une page plus loin, se retrouver franchement dans l'âme d'un gamin.
Ce n'est pas compliqué, j'ai passé mon temps de lecture à reconstruire les phrases pour qu'elles mènent à un style fluide et agréable. Il y a quelques années, j'avais interviewé un grand auteur britannique : R.J Ellory. Pour lui, écrire un roman, c'est dire un maximum de choses avec un minimum de mots. Et bien l'auteur de ce roman n'est pas parti sur cette ligne de conduite. Que de mots inutiles, qui ne font qu'alourdir encore le style. La langue française est si belle et si riche de verbes, alors pourquoi un usage autant d'auxiliaires, de "il fallait que".
Allez, au point où j'en suis, j'en rajoute une couche. Je trouve le comportement des adultes de ce roman très peu probable. Pourtant, ceux que nous fréquentons sont plutôt d'une catégorie sociale ++ avec "éducation" (proviseur, ministre) Alors pourquoi aussi peu de réactivité de leur part quand leur fils leur narre les cauchemars que sa bande et lui font subir à certains de leurs "camarades" ?
Bref, un roman qui n'est pas inutile pour continuer à alerter sur le harcèlement scolaire, mais une lecture qui n'a rien d'agréable. Même "Le ticket retour pour l'enfance" promis par la quatrième de couv' est douloureux, tant ces gamins sont tous plus cruels les uns envers les autres. Ca donne plutôt mal au coeur de lire cela. La "mignonitude" est en fait presque absente dans ce roman.
Et tout au long de ma lecture, je me suis demandé s'il y avait des relecteurs et des correcteurs aux éditions Mazarine...
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5/6
Suite à la publication de ce billet, j'ai eu plusieurs échanges mails très courtois avec l'auteur. Suite à ceux-ci, celui-ci me demande de publier sa réaction et ses justifications sur ses choix de style. Ce que je fais avec plaisir et non sous la contrainte. Car, quand suite à un avis de lecture déçue les échanges avec l'auteur restent aussi cordiaux et constructifs, c'est un plaisir.
« Il n’y a pas dans ce livre (à moins d’une ou deux coquilles, ce qui est toujours possible) de fautes de grammaire et de conjugaison qui soient d’ordre morphologique. Quant au choix des temps, il ne repose sur aucun arbitraire, mais sur des critères précis.
Arthur, le narrateur, commence par prendre la parole alors que la rentrée a eu lieu quelques mois plus tôt. Il parle des événements de cette rentrée à l’aide du plus-que-parfait pour faire avancer l’action dans le passé, de l’imparfait sinon. Lorsqu’il revient sur les événements se déroulant au moment où il parle, il utilise le présent. Les alternances des temps sont donc liées à ses propres alternances entre ses souvenirs et l’instant présent.
Je m’accorde, par ailleurs, des libertés afin de restituer la fraîcheur et l’authenticité de la voix de cet enfant. Tout est pesé pour aller dans ce sens. Le passé composé est par exemple utilisé une fois, alors qu’il ne devrait pas l’être à cet endroit, pour marquer une rupture et rendre compte de la sidération d’Arthur : « Un court instant, j’ai vu madame Pinson ne plus savoir quoi dire au proviseur. » L’effet ne serait pas le même avec un autre temps. Or je préfère restituer cet effet plutôt que respecter les règles à tout prix.
Mon texte n’est pas le Bescherelle, mais la copie imparfaite d’un enfant de cet âge. J’assume donc quelques écarts avec les règles canoniques de la syntaxe (comme des omissions de la particule « ne » pour la négation ou bien des tics de langage et autres répétitions) lorsqu’il s’agit de restituer la voix singulière d’un pré-ado, ce qui est le cas dans nombre d’autres romans dont le narrateur a cet âge. Faire « le propre » dans sa narration, ce serait tuer sa voix. Il ne s’agit donc pas d’une faute, mais d’une réelle intention de l’auteur.
Quant à l’excès de mots que vous signalez, il est lié au tempérament du narrateur, un personnage qui ne peut s’arrêter de penser, ce contre quoi il se bat d’ailleurs tout au long du roman.
Il me semble que ce livre n’était pas celui qu’il vous fallait lire au moment où vous cherchiez tout autre chose, comme vous l’écrivez vous-même. J’admets, par ailleurs, que vous ne soyez pas sensible à ce type d’écriture : c’est votre liberté.
Cordialement.
SF