LE JOUR D'AVANT, de Sorj CHALANDON
Publié le 24 Mai 2018
Roman - Editions Audiolib - 7h59 d'écoute - 22.90 €
Parution d'origine en août 2017 chez Grasset
L'histoire : Il s'appelle Michel. Son épouse vient de décéder d'un cancer. Alors, il largue tout et retourne sur sa terre d'origine, faite de corons et de terrils, le Pas de Calais. Quand il n'était encore presque qu'un enfant, son père lui avait écrit, comme un testament : "Venge nous de la mine". Hanté par le décès de Jo, son frère mineur, mort en ouvrier, depuis des années, Michel part donc le venger et qu'enfin payent tous ceux qui n'ont jamais été punis pour leurs crimes.
Tentation : Le sujet / La région
Fournisseur : Bib N°3
Mon humble avis : Par ce roman, Sorj Chalandon revient sur le drame de décembre 1974, qui vit périr 42 mineurs de fond dans un coup de grisou, dans le bassin minier du Pas-de- Calais à Liévin. 42 mineurs de la fausse 3 à Saint Amé, morts pour rien, par négligence de la sécurité dans les houillères. Parmi les victimes, Jojo (Joseph), le frère aîné de Michel, le personnage principal de cette histoire, qui mêle roman et Histoire... Histoire pour nous autres européens, mais présent pour nombre de pays africains ou asiatiques.
Cette oeuvre est avant tout un formidable hommage à ces hommes qui descendaient au centre de la terre pour en extraire le charbon, dans des conditions de vie et de travail que l'on oserait peut-être plus imaginer maintenant. Hommage aussi aux familles, femmes et enfants, de ses travailleurs forçats aux poumons silicosés et quelque part, à une région toute entière, ma région d'origine, même si j'ai grandi loin des mines et que mon arbre généalogique ne s'en est jamais approché !
La vie dans les Corons et le travail dans les mines sont extrêmement bien détaillés, à force de mots qui frappent et de phrases qui pénètrent. Le style Chalandon en fait ! Et une obsession récurrente chez l'auteur : écrire pour ne pas oublier, ou pour sortir de l'oubli.
Le texte, narré à la première personne du singulier, est bien sûr magnifique, d'une écriture on ne peut plus maîtrisée et adaptée au sujet. Parfois poétique, souvent rageuse... Mais, parce qu'il y a un "mais" dans mon ressenti, tellement mélancolique et triste, comme un ciel gris du nord. J'ai eu du mal à comprendre cette obsession de vengeance de la part de Michel 40 ans après les faits, même si, évidemment, cela construit la trame romanesque du livre. Alors une lassitude s'est installée en moi, comme de plus en plus souvent lorsque je lis des histoires qui disent "je suis malheureux, je l'ai toujours été, depuis l'enfance je suis traumatisé". Bref, je ne trouve plus autant de plaisir dans la lecture de roman à l'atmosphère étouffante, où la beauté est dans la souffrance mélancolique. Je préfère désormais, en littérature, une autre beauté, celle qui éblouit.
Et puis et puis...Arrive le dernier quart de mon audiolecture.... Et là, gros bouleversement, retournement de situation ô combien inattendu, rebondissement que je pense aucun des nombreux lecteurs de ce livre n'a pu imaginer.
Et là, on se dit, cette histoire n'est pas qu'une complainte, c'est un roman parfaitement construit. On se dit que ce n'est pas un journaliste qui écrit Le jour d'avant, mais bien un écrivain, un pur écrivain.
Et au-delà du vibrant témoignage sur une époque et une profession, Le jour d'avant est surtout une histoire sur la culpabilité et l'image que l'on se crée d'une réalité pour que celle-ci devienne plus supportable. Roman bien entendu grandiose, mais qui laisse trop de place à l'accablement à mes yeux, où plutôt à mes oreilles, puisqu'il s'est agi pour moi d'une lecture audio pour en faire un coup de coeur !