LES ANIMAUX DENATURES, de VERCORS

Publié le 18 Avril 2019

Roman - Editions Livre de Poche - 285 pages - 4.90 €

Parution d'origine en 1952

4ème de couv' :  En Nouvelle-Guinée, une équipe de savants auxquels s'est joint le journaliste Douglas Templemore cherche le fameux " chaînon manquant " dans l'évolution du singe à l'homme. En fait de fossile, ils trouvent une colonie, bien vivante, de quadrumanes, donc de singes. Mais a-t-on jamais vu des singes troglodytes et enterrant leurs morts ? Tandis que les hommes de science s'interrogent sur la nature de leurs " tropis ", un homme d'affaires voit en eux une potentielle main-d'oeuvre à bon marché. La seule parade aux noirs desseins du sieur Vancruysen est de prouver l'humanité des tropis. Pour obtenir la preuve nécessaire, Doug risquera sa tête d'une façon surprenante qui conduira à de longs débats !

Tentation : Ma PAL

Fournisseur : Ma PAL

 

Mon humble avis : Celui-ci n'arrivera jamais à la cheville de ce roman et ne pourra ni le résumer, tant cette histoire est dense en sujets, ni lui rendre l'hommage qu'il mérite... Parce que je ne n'ai ni le style ni la culture pour cela... juste des sensations, de la réflexion, de la curiosité.

Les animaux dénaturés... Un livre qui a rejoint ma PAL il y a deux ans... Suite au choc littéraire reçu lors de la lecture de La planète des singes, de Pierre Boulle et quelques recherche sur la toile, j'ai appris que Pierre Boulle s'était (entre autre) inspiré de ce roman de Vercors. Vercors, pour moi, c'était la résistance et Le silence de la mer.

Il m'a fallu du temps pour lire Les animaux dénaturés. Pas par manque d'intérêt bien au contraire, mais pour analyser et digérer tout ce que j'y lisais, et comparer tout cela avec mon propre système de pensée, mes observations, mes expériences etc... Aussi, si vous cherchez un roman à dévorer, changez d'adresse. Celui-ci se déguste, et chaque ingrédient mérite toute l'attention et la concentration pour ruminer, être d'accord, pas du tout d'accord, changer d'avis, retrouver le sien, douter, hésiter, bref, être emmené dans une débat kafkaïen sur ce qui différencie l'homme de l'animal. Une question que finalement, on  se pose rarement dans notre quotidien.

J'ignore si c'est vrai, mais Vercors part du principe qu'à l'époque de son roman, l'Humain n'était pas défini... Hors comment décider si une nouvelle espèce est humaine ou animal si l'Homme n'a pas de définition précise.

La mise en bouche des animaux dénaturés ressemble à une petite bluette charmante dans les environs de Londres. Puis, vient l'expédition en Nouvelle Guinée et la découverte de ces fameux tropis... Les questions commencent, avec quelques expériences éducatives, découvertes... qui se répandent bien vite, jusqu'aux oreilles d'industriels peu scrupuleux... Doug souhaite protéger ces êtres de tous projets qui les exploiteraient... Alors, pour savoir si Homme ou Animal, Doug expérimentera l'impensable et réalisera l'inimaginable... (Je ne dis rien, sinon, ce serait spoiler).

Le débat Kafkaïen débute lors de son procès tout aussi Kafkaïen ou divers scientifiques témoignent à la barre, se contredisent les uns les autres, laissant les membres du jury déconcertés... Si les tropis sont des hommes, alors il y a meurtres. Mais si les tropis sont des animaux, alors, il n'y a point de meurtres. Mais personne dans la cour n'est capable de définir l'humain. Alors, une cession de scientifiques est créée pour aboutir à une définition... et ceci se poursuivra jusqu'à la Chambre des Communes...pour revenir à la cour et achever le procès de Doug...

Discrètement usant de cynisme et d'humour, Vercors profite de son sujet pour se moquer de la justice et de ses limites, mais aussi des politiques et de leurs contradictions évidentes. ("En théorie, vous avez mille fois raison peut-être. mais vous savez bien qu'en politique, avoir raison ne sert à rien") Bien sûr, il démontre que l'Homme croit tout savoir et qu'il se sent supérieur en tout. Autre question qui ressort : Naissons nous hommes ou le devenons nous ?

Et les animaux dénaturés dans tout cela ? Vous le devinerez bien... C'est nous, les Hommes. Dénaturés par les lois, par la civilisation, par les croyances, par les religions, la métaphysique, l'éducation qui font de nous des êtres avares, égoïstes, menteurs etc... "L'animal fait un avec la nature, l'homme fait deux. Pour passer de l'inconscience passive à la conscience interrogative, il a fallu ce schisme, ce divorce, il a fallu cet arrachement. N'est-ce point là la frontière justement ? Animal avant l'arrachement, homme après lui ? Des animaux dénaturés, voilà ce que nous sommes....... Ne traitez-vous pas la nature en étrangère, sinon même en ennemie ? Or que ferions nous sans elle ?.... Il y a longtemps que Marx et Engels se sont employés à prouver que l'homme se définit par les transformations qu'il impose à la nature..."

Honnêtement, j'espère que mon billet vous incitera à lire ce roman presque philosophique passionnant, même si ardu tout de même, si on veut le lire autrement que comme un pur divertissement. D'ailleurs, si vous le lisez comme tel, vous serez sans doute déçus et y trouverez des longueurs dans les dialogues et débats. Mais dites vous bien que mon billet ne peut évoquer et louer qu'une partie infime des animaux dénaturés, qu'il faut déguster, digérer, méditer, méditer, méditer.

Tout au long de ma lecture, je n'ai cessé de me demander... Et si Vercors vivait encore et se lancer demain dans l'écriture de ce roman... Qu'y dirait-il ? Quelles questions poserait-il ? Puisqu'en 60 ans, le monde a évolué, les lois également, et surtout, la condition et la protection animale est de plus en plus au coeur des débats... Depuis quelques années, l'animal est reconnu comme un être doté de sentiments et de sensibilité... La maltraitance animale est légalement sensée être devenue un délit... mais pas encore un crime... beaucoup de progrès restent à faire...

Enfin, il y a quelques jours, une nouvelle espèce humaine a été découverte aux Philippines...

Quand une lecture d'un livre vieux de plus de 60 ans est rejointe par l'actualité !

Comme animaux dénaturés, la chance que nous avons, est de savoir et de pouvoir lire ! Alors, amis animaux dénaturés, lisez ce roman si passionnant et enrichissant !

 

 

Rédigé par Géraldine

Publié dans #Littérature française

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A
Je suis certaine qu'il me plairait. Merci pour ce billet enthousiaste ! Comme tout le monde je ne connaissais que Le silence de la mer. Quelle trouvaille et quelle sortie de PAL ! ;)
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A
Ah bon, Pierre Boulle s'est inspiré de ce roman ? Je note !! J'aurais noté de toute façon car ça a l'air franchement intéressant en terme de thématiques explorées. Et moi aussi Vercors, c'est Le silence de la mer point. Merci pour cette trouvaille !^^
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K
Ouh là tu as des pépites dans ta pAL! J'ai noté.
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G
Je suis ravie de pouvoir te surprendre dans un rayon "assez classique" ! Et oui, plein de petites merveilles qui dorment dans ma PAL, c'est terrible. Mais ce n'est pas de ma faute s'il y a tant de livres tentant, livres d'hier et d'aujourd'hui !