GRANDIR, de Sophie FONTANEL
Publié le 3 Juillet 2019

Roman - Edition J'ai Lu - 157 pages - 6.10 €
Parution d'origine chez Robert Laffont en 2010
L'histoire : Sophie est journaliste de presse féminine, spécialiste de la mode. Il lui faut tout gérer... Son métier et sa mère, très vieillissante. Sophie nous conte l'accompagnent de sa mère dans le dernier âge, avec toutes les questions et les découvertes que cela comportent. Tout comme les petites joies et les grandes tristesses de la fatalité.
Tentation : Ma PAL
Fournisseur : Ma PAL

Mon humble avis : Ce roman, cela fait des années qu'il traîne dans ma PAL et que j'en reporte à chaque fois la lecture... Tant j'en craignais le sujet... L'accompagnement en fin de vie n'étant pas très excitant, voire même pour moi terrifiant. Et puis, j'ai pris mon "courage" à deux mains et je ne regrette pas.
Ce texte est magnifique ! Il aurait même pu devenir un de mes coups de coeur si une légère lassitude ne s'était pas installée en moi dans mes derniers moments de lecture. Tant de pudeur et de justesse pour évoquer un tel sujet, je dis bravo. En fait, il ne s'agit pas vraiment de fin de vie, puisque ce roman ne s'achève pas par le grand voyage. Donc pas de deuil, si ce n'est celui de la jeunesse et de l'indépendance. Cette fin reste ouverte, même aucun lecteur ne se fera d'illusion, puisque nous sommes ici face à la vie, la vraie vie, à l'issue inéluctable.
Dans ce roman, qui est une autofiction, Sophie Fontanel évoque le grand âge de sa mère, celui où la mémoire s'absente et le corps glisse. Le corps est fragile, il se casse... Et tout ceci amène à la dépendance et l'organisation matérielle et humaine que cela impose pour les autres... Et l'attente, la résignation, la résilience, la patience et l'impatience, les nouvelles occupations qui semblent si dérisoires aux valides pour celui ou celle qui avance en âge. Il y a les silences et aussi ces moments où les proches parlent pour ne rien dire, juste par gène ou pour emplir l'espace silencieux. Il y a la pudeur et le respect de la pudeur nécessaire quand vient le moment de faire une toilette. Et puis, il y a des moments magiques qui prouvent que la mémoire n'est pas tout à fait partie, qu'il en reste des choses dans la tête... Ici, lorsque Sophie répond à sa mère par une scène du Misanthrope, et que celle-ci poursuit la scène avec délice et perfection. Grandir est vaste de sujets abordés autour du sujet de la vieillesse, de la vie, de la jeunesse, du miroir qu'offre le parent vieillissant etc. Les responsabilités accrues de Sophie permettent à sa mère une certaine insouciance. Mais il y est surtout question de sagesse, de tendresse et de beaucoup d'amour, quand vient le moment où les enfants prennent soin de leurs parents comme ceux-ci l'ont fait à leur naissance. La différence, c'est que les parents apprennent les gestes aux enfants pour les mener à l'indépendance. Les enfants font ces gestes parce que les parents sont désormais contraints à la dépendance.
Et c'est là vraiment que l'enfant, même s'il est adulte depuis belles lurettes, grandit réellement. En s'ouvrant différemment aux parents, en donnant sans retour, en prenant conscience de toute une réalité, en se questionnant vraiment sur un certain sens de la vie, de la parentalité. En accompagnant sa mère, Sophie va grandir et désormais vivre autrement, supprimant des carcans qu'elle s'était elle-même imposé. Et c'est en vieillissant puis en disparaissant que les parents complètent et achèvent l'éducation de leurs enfants, même devenus grands. Quand la boucle est bouclée.
Tout cela est écrit majestueusement, dans un style vivant et tendre (sans pour autant omettre les difficultés, les moments de découragement etc), sans jamais tomber dans le pathos. Je craignais que cette lecture soit pesante pour moi, en fait, elle fut un moment de grâce, vraiment inattendu.
