RETOUR AU PAYS BIEN AIME, de Karel SCHOEMAN
Publié le 7 Septembre 2019
Roman - Editions 10/18 -251 pages - 9 €
Parution d'origine chez Phébus en 2006
L'histoire : George vit en Suisse. Sa mère vient de décéder, son père est mort plus tôt. Alors George décide de retourner au pays de ses ancêtres, l'Afrique du Sud, là où il est né. Terre qu'il a quitté à l'âge de cinq ans. Il a reçu la ferme de sa mère en héritage, et tiens à s'y rendre. Son retour en terres afrikaners sera loin de tout ce qu'il pouvait imaginer. Pour ceux de là-bas, il restera toujours l'étranger, mais aussi l'enfant du pays qui revient. Cette situation deviendra étouffante pour lui.
Tentation : Toujours dans ma découverte de la littérature sud-africaine
Fournisseur : Ma CB
Un roman et une plume de référence dans la littérature sud-Africaine
Mon humble avis : Ce roman a été écrit en 1972 (mon année de naissance, soit dit en passant), mais surtout, en pleine crise ségrégationniste en Afrique du Sud. L'auteur, Karel Schoeman, a reçu, en 1999, des mains du président Nelson Mandela, la plus haute distinction sud-africaine : The order of Merit. Voilà qui introduit bien cet ouvrage.
Je pense qu'il faut un peu connaître l'Histoire de l'Afrique du Sud pour apprécier ce roman et ne pas le trouver complètement "space". L'Histoire de l'Afrique du Sud depuis l'arrivée des premiers néerlandais en 1652. Cela tombe bien car ces derniers temps, en parallèle d'autres lectures, je lis aussi un récit sur l'Histoire ô combien complexe de la nation Sud-Africaine. Ainsi, j'ai pu appréhender un peu plus facilement "retour au pays bien-aimé", en apprécier la subtilité et sans doute, ne pas abandonner ce roman en cours de route.
Car l'atmosphère dans cette histoire est très singulière et oppressante, bien qu'il ne se passe rien de particulier, et qu'aucun réel danger ne semble menacer (nous ne sommes pas du tout dans un thriller !)... pour nous lecteurs (pour les personnages, c'est autre chose). Les choses sont assez longues à se mettre en place et quand elles le sont, on espère toujours qu'elles évolueront un peu plus. Sauf que non. L'histoire, le passé et le destin de ces hommes et femmes rencontrés par George rendent cela impossible.
Avec George, enfant du pays exilé avec ses parents depuis des décennies mais qui revient sur les terres familiales, Karel Schoeman nous présente quelques familles qui ont toutes un lien de parenté. Des familles Afrikaners (blanches), qui suite aux événements du pays, ont dû pour la plupart fuir la ville pour s'installer dans leur ferme, perdre leur vie confortable pour devenir des paysans vivant presque en parfaite autonomie, mais surtout, en autarcie, expliquée par l'Histoire en partie (apartheid)
Karel Schoeman dresse ainsi le portrait d'une certaine Afrique du Sud, pétrie de croyances et embourbée dans une Histoire qui serait écrite d'avance, dans des traditions, dans la peur de l'autre. Bref, des afrikaners on ne peut plus repliés sur eux-mêmes, dans une vie terne et dure. Des gens qui n'imaginent même pas qu'ils pourraient vivre une autre vie, s'ils le voulaient. Des gens qui renouvellent le même modèle à chaque génération, sans se rendre compte que les nouvelles générations ne peuvent pas s'épanouir, dans tous les sens du terme. Certains ne rêvent que de partir, sans rien connaître d'autre du monde, d'autres pensent toujours à la vengeance et à une certaine victoire.
Tout cela est traduit très particulièrement ici par l'auteur. L'important n'est pas dit ni nommé par les personnages, ou si peu, toujours en cachette et à mots couverts. Les dialogues disent beaucoup en ne disant pas grand-chose justement... Les personnages s'en tiennent à quelques remarques factuelles et superficielles. Tout est dans les silences, les non-dits, les regards, bien souvent en biais. Il en est ainsi avec l'étranger qu'est George, mais aussi entre ces gens entre eux.
Le thème central du roman est bien entendu l'exil... L'exil intérieur et spirituel, l'exil au sein même de son propre pays, ou encore l'exil dans le sens le plus courant du terme. Ceux qui partent... Qui ont eu la chance de partir, ou qui ont fui... alors que d'autres ont eu le courage de rester. Il est évidemment question du mal du pays, du passé. Et surtout, "retour au pays bien aimé" parle du retour de l'exilé, du fait que, même s'il est de la famille, il restera un étranger, tant les différences entre l'exilé et les "restés" sont énormes et que le lien familial semble bien dérisoire pour ressentir une proximité, une ressemblance. Tant le pays lui-même semble avoir changé, tant il ne ressemble plus en rien à l'image sublimée transmise par les parents, par les souvenirs, par les photos.
A mes yeux, ce roman est plus intéressant qu'agréable à lire. Certains moments m'ont vraiment pesé et, si je n'avais eu un objectif précis et quelques connaissances en me plongeant dans ce livre, possible que je l'eu abandonné. Bref, je suis vraiment sortie de ma zone de confort avec "Retour au pays bien-aimé". Je ne le regrette pas pour autant, c'est ainsi que l'on se construit une culture. Mais je me répète, ayez quelques connaissances sur l'Histoire du pays, s'il le faut, faites un détour par Wikipédia... Sinon, vous risquez d'être vraiment désarçonnés par cette lecture.
Ca tombe bien, je réalise que cela fait juste 6 mois 1/2 que j'ai acheté ce livre, je peux donc l'inclure dans le Challenge objectif PAL !!!