LE RAPPORT BRAZZA, BD de Vincent BAILLY & Tristan THIL
Publié le 14 Mars 2020
BD - Editions Futuropolis - 144 pages - 20 €
Parution en juin 2018
Le sujet : Au XXᵉ siècle naissant, alors que le bassin du Congo devient le théâtre de tensions internationales croissantes, la presse se fait l'écho de crimes commis envers les populations locales. Quelque part au nord de Bangui (actuelle Centrafrique), deux administrateurs coloniaux français assassinent un homme dans un raffinement de cruauté. Révélée le 15 février 1905, ce qui devient rapidement «l'affaire Gaud et Toqué» est un véritable choc pour l'opinion. Pour le gouvernement, l'urgence est d'en démontrer le caractère isolé. Sous la pression parlementaire, une mission d'enquête est envoyée au Congo sous la direction d'un explorateur à la réputation d'honnêteté incontestée : Pierre Savorgnan de Brazza. Après quatre mois d'enquête, et contre l'attente du gouvernement, Brazza et ses collaborateurs livrent un rapport terrible et terrifiant. Il sera aussitôt «oublié» dans un coffre-fort du ministère des colonies...
Tentation : Titre et pitch
Fournisseur : Bib N° 1
Mon humble avis : Une BD comme je les cherche : instructives, qui me révèlent des tas de choses que j'ignorais. Le rapport Brazza est indubitablement de celles-ci. D'ailleurs, ce n'est pas vraiment une lecture plaisir, car elle nécessite de la concentration à plusieurs niveaux.
Les bulles sont nombreuses et très denses. Beaucoup de texte, avec une police de caractère qui m'a parfois menée à devoir déchiffrer certains mots. Les visages des personnages ne sont pas non plus évidents à démarquer, à retenir, à reconnaître. Certains se ressemblent, d'autres évoluent au cours du grand voyage de la mission Brazza au Congo et au Gabon : pilosité, maigreur etc... D'autant plus qu'entre les membres du gouvernement parisien et les administrateurs de différents grades des colonies, cela fait pas mal de monde et de noms à situer (j'ai parfois abandonné, sans que cela m'empêche de saisir l'ensemble de ma lecture). Les illustrations sont de style aquarelle, superbe pour les paysages, moins pour les personnages, qui se retrouvent avec des tâches sur le visage, dans le cou... Tâches sensées sans doute représenter les ombres mais qui me semblent bien aléatoire et me dérangent toujours.
Il n'empêche que cette BD est incontournable, puisqu'elle délivre au grand public le fameux rapport Brazza, qui date de 1905 et qui a toujours été réservé à l'oubli (ou la censure, c'est comme on veut), jusqu'à ce que récemment, des historiens s'y intéressent. Ce rapport est bien sûr accablant pour la France, quant à son comportement dans les colonies, (ici le Gabon et le Congo Brazza) face aux populations indigènes et l'utilisation des matières premières. C'est horrible, effarant et pourtant bien réel. Tortures, rafles, "esclavage" (même si celui-ci était officiellement aboli), enlèvements, séquestrations dans des conditions insalubres, exploitation, assassinats, meurtres etc... Bref, de la pure barbarie sur ceux qui sont nommés "les sauvages". Cherchez l'erreur ! Voici le "beau" C.V de la France en ces terres Africaines et occupées. L'Etat ne semblait pas au courant, puisqu'elle laissait globalement la gestion des colonies aux compagnies concessionnaires qui exploitaient terres et ressources. Cela évitait à l'Etat d'investir, puisque compagnies s'engageaient à le faire. Durant "L'acte de Berlin", l'Etat Français s'était engagé au respect des populations locales et à des investissements visant à améliorer les conditions de vie sur place... Hors, sur place, comme nous le démontre cet album, c'est une toute autre histoire.
Le Rapport Brazza permet vraiment d'apprendre tout ce que l'on nous a caché, autant politiquement que dans notre éducation scolaire. Il permet aussi de comprendre un peu mieux comment fonctionnaient les colonies à l'époque mais aussi, et oui, les conséquences de ceci dans l'actualité contemporaine... et quotidienne, si l'on prend le temps de s'y intéresser. Car hélas, même si tout est dorénavant "légiférer" et un peu plus surveillé par des organismes mondiaux, il est bien triste de constater que les choses n'ont pas vraiment changé.
Malgré quelques difficultés de lecture, je recommande donc chaudement cet album poignant, dont le personnage central, Pierre Savorgnan de Brazza (A qui la capitale du Congo doit son nom : Brazzaville) est très attachant et permet de se dire qu'il existe tout de même quelques hommes bons (ou moins pires car naïfs peut-être) dans cette Histoire... Et bonus habituel du genre, à la fin, un cahier réexplique et resitue le tout de façon claire et passionnante, via extraits de documents d'époque et interview d'historiens.
Plus d'infos sur le Congo et sa colonisation entre autre, c'est sur Wiki