L'EXPERIENCE DE LA PLUIE, de Clévie AVIT
Publié le 27 Août 2020

Roman - Editions Pocket - 299 pages - 6.95 €
Parution d'origine chez Plon en mars 2019
L'histoire : Camille et Arthur, son fils de six ans, vivent dans une "bulle" avec le moins de contact possible avec l'extérieur. Car tous deux sont autistes asperger, avec la particularité de l'hypersensibilité sensorielle. Le moindre toucher est pour eux une épreuve. Jusqu'au jour où lors d'un trajet en bus, ils croisent Antoine, qui sans le savoir s'approche de leur bulle et en frappe à la porte... Aurélien parviendra-t-il à pénétrer leur univers ? Comment garder les bonnes distances ? Comment fusionner deux mondes à priori incompatibles ?
Tentation : Le sujet
Fournisseur : Ma CB

Mon humble avis : J'attendais beaucoup de cette lecture, étant donné son sujet qui me concerne partiellement... Et j'en ai plutôt été agacée.
Malgré toutes les bonnes intentions que je devine chez Clélie Avit, j'ai trouvé ce livre bien maladroit... et assez irréaliste. Est-ce grave quand il s'agit d'un roman ? Pas forcément, sauf quand on plonge dans le périlleux exercice de prendre la parole de personnage atteint de pathologies ou de syndromes spécifiques, comme c'est le cas ici avec l'autisme Asperger. Alors que ce texte aurait pu être agréablement informatif, il devient presque "désinformatif". En effet, toute personne atteinte d'hyper sensibilité sensorielle n'est pas forcément autiste Asperger, et l'inverse se vérifie aussi, tout Asperger n'est pas hyper sensoriel...au point où le sont Arthur et Camille... Alors que l'autisme Asperger de Camille et Arthur est clairement cité, l'autrice ne développe et n'évoque presque que cette possible particularité associée : l'hyper sensibilité épidermique et tactile. Je trouve cela très réducteur et que la romancière n'aurait dû évoquer que cette dernière, sans l'autisme Asperger... Mais c'est peut-être moins vendeur.
Traiter de l'autisme via un roman est une bonne idée, car il permet au plus grand nombre d'appréhender plus facilement ce mystérieux syndrome, sans se noyer dans les publications de spécialistes. Ce peut être une jolie façon de rapprocher le monde des autistes de celui des neurotypiques (ou normo-pensants). J'ai la sensation qu'ici, c'est le contraire. La façon dont Clélie Avit présente et explique la vie de Camille est d'Arthur a tout pour être terrifiante (même s'il n'était pas question de l'édulcorer), et pour décourager dans son approche le plus valeureux des neurotypiques. Certes, Aurélien parviendra à traverser la bulle, mais nous sommes dans un roman... Or dans la vie, je n'imagine pas grand monde déployant ce trésor de patience et prévenance... D'ailleurs, Aurélien est un personnage de roman... Car il semble bien (trop) préparé et apte à pénétrer le monde de Camille sans l'avoir jamais fréquenté, sans s'y être déjà confronté sciemment, sans le connaître. Bref, le comportement d'Aurélien est trop beau pour être vrai... Alors que Camille et lui prône le vrai dans toute sa dimension. Mais oui, nous sommes dans un roman... même une romance que j'ai trouvé trop mielleuse, trop gnangnan, trop dégoulinante, trop pleine de bons sentiments. Le texte aurait gagné en rythme, en émotion, en intérêt avec un Aurélien un peu plus pétillant. Car en fait, pour moi lectrice, il a été source d'ennui.
Les autistes apprécient l'explicite et redoutent l'implicite qu'ils ne maîtrisent en général pas. Pourtant, dans cette histoire, tout m'a paru trop implicite. Les dialogues entre les personnages, les nombreux non-dits (qui en étant dits auraient pu rendre les personnages plus complets et plus attachants), le style... rien n'a été fluide pour moi. Au point que souvent, j'ai dû relire certaines phrases plusieurs fois, pour en décortiquer la construction, la ponctuation, pour être sûr d'envisager le bon sujet, le bon complément etc. Inutile de préciser que cette lecture m'a pris plus de temps que prévu. L'écriture de ce roman est, pour moi, trop poétique (au point d'en devenir lourde), et souvent redondante. Et d'autres erreurs qui m'ont énervée, du genre : "mes clés tournent dans la serrure. Si elles étaient autistes, elles se forceraient peut-être ou alors seraient curieuses de connaître la suite. Deux façons de voir le monde pour même façon de le sentir". Déjà, je trouve cette phrase mièvre à souhait, mais surtout, je ne vois pas comment DES clés peuvent rentrer en même temps dans une serrure...
Bref, je ne suis pas entrée dans cette bulle de l'expérience de la pluie, même si je m'en suis approchée par moment. L'émotion ne m'a pas saisie et je n'ai pas débordée d'empathie pour les personnages. Je reconnais néanmoins que ce roman a le mérite d'évoquer l'autisme asperger, de donner quelques clés d'approche et de montrer que chacun doit marcher vers l'autre et s'adapter à son monde du mieux qu'il peut : le neurotypique vers l'autiste et l'autiste vers le neurotypique. Et, tout de même, je pense qu'il pourrait m'aider personnellement... Avec les mots de Camille qui peuvent expliquer un ressenti : "c'est trop"... quand l'autiste arrive à saturation de ce qu'il peut supporter.
Bien sûr, tout ceci n'est que mon humble avis.