LE TAMBOUR DES LARMES, de BEYROUK
Publié le 26 Octobre 2020
Roman -Editions Elyzad - 240 pages - 9.90 €
Parution en 2015
L'histoire : Une femme marche seule en pleine nuit, dans le désert Mauritanien. Elle s'appelle Rayhana, et elle emporte avec elle le tambour sacré de sa tribu. D'où vient-elle ? Où va-t'elle ? Que fuit-elle ?
Tentation : le pitch
Fournisseur : Ma CB
Littérature mauritanienne
Mon humble avis : J'ai acheté ce roman pour me préparer à mon voyage randonnée en Mauritanie de décembre prochain. Je l'ai commencé, et le lendemain, le voyagiste m'annonçait l'annulation (non surprenante) de ce même voyage.
Mais je suis tout de même partie en Mauritanie avec Rayhana, et ai vécu ce pays de façon sans doute plus réelle, sans filtre, qu'en y mettant mes pieds de touriste, même si marcheuse. Certes, je n'ai pas eu chaud, je n'ai pas peiné dans le sable... Mais j'étais dans le coeur, dans le sang, dans les larmes, dans la révolte, dans la détresse de cette jeune bédouine en fuite. J'ai aperçu ce qu'était être une femme bédouine, issue d'une fameuse tribu, encore à notre époque.
Ce roman est très fort, puissant, dur. Localisé et en même temps, assez international (excepté sans doute les pays très industrialisés, et encore, le fond du sujet touche tout le monde, à différents degrés : la place de la femme et ses droits / non droits ici dans une société). Dans le tambour des larmes, il s'agit d'une société tribale, patriarcale.
Rahyana est une jeune fille lorsqu'elle "faute" avec un "étranger" de passage près de son campement. Les conséquences pour cette ingénue seront terribles et point de départ du roman. C'est Rahyana qui raconte son histoire, en alternant les chapitres sur sa fuite et ses rencontres, et les chapitres sur les longues et terribles épreuves qui l'ont conduite à fuir, en emmenant le tambour sacré de sa tribu, pour que tous ceux qui l'ont abimée en plein coeur souffrent dans ce qu'ils ont de plus hiératique et dans leur fierté.
Volontairement, je dévoile très peu cette bouleversante histoire. L'écriture est très agréable, teinté de poésie, de lyrisme ou d'onirisme qui s'accordent à merveille avec les lieux, les croyances de ces terres désertiques et brûlantes. J'ai été prise aux tripes par la détresse de cette jeune fille, et surtout, par son impuissance, malgré sa rébellion. J'ai tant espéré que sa quête ne soit pas veine. Mais le monde est cruel, ici, là-bas, partout.
Le tambour des larmes est très intéressant au-delà de son histoire humaine. Il permet d'apprendre beaucoup sur la vie tribale, les rites ancestraux, tantôt dignes, tantôt très éculés. Beyrouk confronte dans ces pages deux mondes opposés et pourtant si proches géographiquement : celui des tribus bédouines et celui des moyennes et grandes villes déjà dans l'hyper mondialisation et l'individualisme.
Je pouvais m'y attendre mais j'ai été choquée par l'hypocrisie et l'ambiguïté des coutumes tribales... La "sagesse" légendaire et la tradition de l'hospitalité sont tellement prégnantes... Et en même temps, une nouvelle vie est refusée. De même, j'ai peut-être naïvement découvert que la pratique de l'esclavage est encore monnaie courante en Mauritanie, malgré la loi qui l'interdit. Le mythe de la tribu nous fait parfois rêver, nous petits européens avides de grands espaces. Et pourtant, le poids de la vie communautaire y est aussi lourd que chez nous voire plus, et la vie bien plus âpre encore.
Un magnifique et envoutant roman et un pays méconnu à découvrir. Entre louange et magie du Sahara et dénonciation de secrets honteux. Une voix de l'Afrique, à travers celles des femmes.