CE MATIN LA, de Gaëlle JOSSE
Publié le 11 Octobre 2022
Roman - Editions Notabilia - 215 pages - 7.50 €
Parution Notabilia 2021 (Poche 2022)
L'histoire : Ce matin là, sa voiture ne démarre pas. Ce ne pourrait être qu'un agacement, mais pour Clara, c'est comme la fissure d'un barrage... de l'eau, l'inondation, la noyade... Le Burn Out. Des mois la tête sous l'eau, jusqu'à ce qu'une envie revienne, une étincelle, une lumière...
Tentation : Nom de l'auteur et blogo
Fournisseur : La déchetterie (hé oui !)
Mon humble avis : Ma vie de lectrice change. Il fut un temps où je ne pouvais lire que des romans neufs et qui m'appartiendraient à jamais. Et là, j'ai lu un exemplaire trouvé à la déchetterie, dont les pages étaient gondolées et piquées de moisi... Certains livres sont vraiment malmenés. Mais malgré son apparence peut attirante, ce roman a eu comme un effet magnétique sur moi... Je l'ai dévoré autant que j'ai pu, j'avais toujours très envie de m'y replonger.
Et pourtant, je reconnais que le sujet (dépression et burn out) peut être rebutant pour certains, comme à priori pour moi d'ailleurs, maintenant que je me suis sortie de cette spirale qui semblait infernale. Et bien en fait, le texte de Gaëlle Josse est doux, et assez lumineux dans un sens.
Nous accompagnons Clara, trentenaire comme il en existe des centaines de milliers... Un petit ami, un travail valorisant dans une société de crédit, et même une récente promotion. Voilà pour la façade. A l'intérieur des murs, une vie contrariée dix ans plus tôt et un changement de direction, d'axe, loin des projets d'origine. Et puis l'usure, la fatigue du sourire de circonstance, de l'obéissance aux injonctions professionnelles et sociétales de notre époque.
C'est donc la noyade pour Clara, dans un tourbillon qui l'emmène dans le fond. Cela n'est pas pesant à lire, car c'est très humain, on a tous eu droit à cet état ou on l'a tous frôlé. Et Gaëlle Josse a un talent incommensurable pour décrire avec une finesse extraordinaire cette période où tout s'écroule, où plus rien ne nous anime, plus aucune envie, même pas la faim. Et l'entourage qui ne comprend pas, ne supporte pas, impuissant qu'il est. Tout de devient étranger, même soi-même. Mais le burn out, c'est aussi une situation où l'on regarde plus autour de soi, pour essayer de comprendre, de trouver, de se retrouver une place dans cette violence sociétale que l'on subit, notamment dans le monde du travail, et qui nous amène à agir à l'encontre de nous-même, à nous maltraiter, à nous violenter. Tout cela est parfaitement analysé par Gaëlle Josse, tout comme le retour d'une première envie : un bouquet de tulipe, qui sera suivi d'un besoin de voir la mer, et d'une invitation à la campagne... Petit à petit, une renaissance à soi-même et au monde, mais pas tout à fait celui d'avant, celui que l'on choisit en conscience, calmement, en liberté, par envie. Car oui, le Burn out peut ou la dépression, aussi douloureux soient ils peuvent être une occasion de repartir dans la bonne direction, sur le bon axe, celui de l'équilibre.
Ce matin-là est magnifiquement écrit, avec une poésie et des couleurs qui apaisent le lecteur et rendent ce texte doux à lire et prétexte à s'interroger sur ce qui est essentiel et vital pour nous, tout en se respectant. Une histoire, celle de Clara, qui montre que pas à pas, il est possible de se réinventer, en puisant dans ce qui fait notre base et notre ADN, même si la vie nous a parfois obligé à oublier nos envies, nos projets, on peut toujours y retourner, même des années plus tard. C'est un texte littéraire, qui n'est pas fait pour être brut de pomme et plombant, mais beau et humain.
Je suis très contente des moments passés avec la sublime plume de Gaëlle Josse, que j'avais perdue de vue depuis quelques années.