LES HIRONDELLES DE KABOUL, de Yasmina KHADRA

Publié le 15 Octobre 2022

Roman - Editions Pocket - 148 pages - 5.95 €

Parution Julliard 2022, Pocket 2010

L'histoire : Dans les ruines brûlantes de Kaboul, la mort rode, un turban noir sur la tête. Lapidations, exécutions publiques, les Talibans veillent et sont partout.

Atiq a été un courageux Moudjahid contre les russes, il est maintenant géôlier. Il traine sa peine, sa femme Mussarat est malade, il refuse de se questionner sur le régime taliban.

Moshen et son épouse Zunaira ont tout perdu avec l'arrivée au pouvoir des talibans. Elle était avocate, il avait le goût de vivre dans la modernité.

Leurs destins vont se lier, de manière tragique.

 

Tentation : Auteur que j'apprécie

Fournisseur : Ma PAL

Mon humble avis : Ce livre a paru en 2002, il a donc dû être écrit entre 2000 et 2001...A l'époque, les Talibans étaient au pouvoir en Afghanistan depuis 1996... pour se voir renversés en 2001.

Encore un livre que pioche dans ma PAL et qui date sacrément... Qui devrait être une tranche de l'Histoire, mais qui est redevenu affreusement actuel depuis un an, et le retour de l'Etat Islamique en Afghanistan. L'Histoire n'est hélas qu'un perpétuel recommencement...

C'est donc une plongée glaçante dans l'obscurantisme religieux qui nous fait vivre Yasmina Khadra ici. C'est le quotidien de quatre personnages principaux, d'origines sociales différentes, parmi moult autres, nommés ou anonymes, que nous partageons ici. Le quotidien, et les conditions de vie. La pauvreté, la peur, la menace de la délation venant de n'importe qui, les Talibans qui sont à chaque coins de rue, vous observent, vous obligent, décident de votre sort de façon arbitraire si votre comportement est suspect et ne leur plait pas. Et plus aucune liberté... Même rire dans la rue est proscrit, comme y tenir la main de sa femme. Les manifestations de joies, considérées comme impudiques, sont rangées au rang des péchés capitaux.

Nous autres occidentaux, on sait vaguement ce qu'il se passe là-bas, mais le lire clairement est effroyable, et nombre de propos de certains personnages, à propos des femmes, font froid dans le dos. Car la femme est évidemment moins que rien derrière son Tchadri. Pour certaines, la mort parait libératrice. 

Tout cela est parfaitement décrit par Yasmina Khadra et orchestré dans une histoire terrible dont on ne peut pas imaginer une fin heureuse vues les circonstances. Mais il y a vers la fin des passages sublimes de don de soi, d'amour suprême font vriller le ventre. Yasmina Khadra nous dit aussi les conséquences des guerres interminables et des régimes extrémistes, d'autant plus quand ils sont religieux... C'est la folie qui guette ceux qui n'adhèrent pas aux préceptes imposés. Des lois créées par des fous de Dieu, qui rendent fous ceux qui étaient sains d'esprit dans un pays en proie aux pires folies humaines. Je pense que la folie, individuelle ou collective, est le thème principal de ce roman puissant.

Néanmoins, j'ai quelques réserves sur le style de Yasmina Khadra. Chacun sait qu'il écrit merveilleusement bien, avec des mots choisis, un vocabulaire soutenu et châtier, et des envolées poétiques. Mais cela m'a paru souvent un peu trop, comme mielleux. Inadapté au sujet peut-être. Un style plus claquant, plus vif, plus direct et tranchant aurait, à mes yeux, plus convenu à cette terrible histoire. De même, dans les dialogues, les personnages s'expriment avec un langage très soutenu, qui pour moi, n'est pas réaliste. Mais ce n'est que mon humble avis !

A lire, pour prendre bien conscience de ce qui se déroule de nouveau à l'autre bout du monde, et de notre chance extrême d'être nés à l'Ouest. 

 

"- Je ne les laisserai pas vous tuer.
- Nous avons tous été tués. Il y a si longtemps que nous l'avons oublié."

"Ne me demande pas de renoncer à mon prénom, à mes traits, à la couleur de mes yeux et à la forme de mes lèvres pour une promenade à travers la misère et la désolation ; ne me demande pas d'être moins qu'une ombre, un froufrou anonyme lâché dans une galerie hostile."

"Elle ne représente pas grand-chose en dehors de ce que tu représentes pour elle. Ce n'est qu'une subalterne. De plus, aucun homme ne doit quoi que ce soit à une femme. Le malheur du monde vient justement de ce malentendu."

"D'un autre côté, je refuse de porter le tchadri. De tous les bâts, il est le plus avilissant. une tunique de Nessus ne causerait pas autant de dégâts à ma dignité que cet accoutrement funeste qui me chosifie en effaçant mon visage et en confisquant mon identité."

 

 

Rédigé par Géraldine

Publié dans #Littérature française

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A
J'allais écrire que je l'avais lu il y a un moment et adoré mais en fait je confonds avec Les cerfs-volants de Kaboul, haha ! En revanche j'ai lu L'attentat de Khadra et ce fut un coup de coeur, contre toute attente. Je n'ai pas souvenir d'avoir eu des réserves sur son style mais ma lecture commence à remonter maintenant.
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V
eh bien je ne l'ai toujours pas lu! Mais j'ai retrouvé ce style un bref trop ampoulé dans un autre de ses romans, je vois ce que tu veux dire...
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G
Une lecture très marquante. Je ne me souviens pas avoir été gênée par l'écriture.
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P
Je ne sais pas pourquoi je ne l'ai pas encore lu, mais bon, il faut faire des choix, il y en a tant ! <br /> Un jour peut-être...surtout après avoir lu ton ressenti. <br /> Bon dimanche.
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K
Comme les talibans sont revenus, ce ne doit pas avoir changé, hélas.
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L
j'ai lu ce livre et je me souviens avoir tellement espéré que cette horreur soit bien finie!
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