L'OEIL DU LEOPARD, d'Henning MANKELL
Publié le 29 Novembre 2023
Roman - Editions Sixtrid - 10h d'écoute - 19.95 €
Parution d'origine éditions du Seuil 2012
L'histoire : En Suède, fin des années 50, Hans Olofson est adolescent. Elevé par un père frustré par sa destinée et alcoolique dans une bourgade plutôt isolée. Hans va perdre ses deux meilleurs amis, Stur et Janine, de façon brutale. Quelques années plus tard, toujours plus ou moins désoeuvré, il part pour l'Afrique, réalisant ainsi le rêve de Janine.
Il débarque alors en Zambie, indépendante depuis quelques années. Ce qu'il voit de l'Afrique le questionne et l'effraie. C'est sûr, il va repartir très vite, ce continent n'est pas pour lui. Et pourtant, 18 ans plus tard, Hans est toujours là, même si sa vie est devenue un vrai cauchemar.
tentation : ma PAL audio
Fournisseur : La bib de Rennes
Mon humble avis : En fait, Hans restera 18 ans en Zambie car peu de temps après son arrivée, il rencontre Judith, grande propriétaire terrienne, qui n'arrive plus à gérer seule sa production d'oeufs. Hans l'aidera donc à régir la ferme et quand Judith, épuisée, décide de quitter l'Afrique pour rentrer en Europe, elle cède à Hans son exploitation, avec quelques arrangements financiers.
Les chapitres s'alternent... La jeunesse d'Hans en Suède, les déboires qui le mèneront au grand départ pour la Zambie. J'avoue, ces chapitres-là ne m'ont pas fascinée, et j'ai plutôt subi leur longueur. Par contre les chapitres se déroulant en Zambie m'ont captivée. Donc j'aurais aussi bien pu mettre 2 pattes que 5 pattes de chat ! J'ai coupé la poire en deux !
Car évidemment, lors Hans débarque en Afrique, il est choqué par le comportement raciste et suprémaciste des blancs envers les noirs, découvre tous les dysfonctionnent du pays, et le gouffre qui sépare les deux mentalités en place : noire et blanche.
Lorsqu'il prend la tête de la ferme de Judith, il se jure qu'avec lui, ce sera différent. Il mettra en place des idéaux de justice sociale et humaine... Meilleurs salaires, respect, construction d'école, responsabilisation, formation des noirs aux postes à responsabilités etc... Toute sa vie durant là-bas, il essaiera de répondre à cette question : les noirs ont-ils besoin des blancs. Il se confrontera à mille difficultés (dont la corruption qui gangrène le pays), et surtout à la superstition ancestrale, donc le poids est tel qu'elle devient réalité. Au bout de 18 ans, Hans constatera avec dépit : Je ne les comprends toujours pas, je ne comprends toujours pas ce pays... Le problème est que je n'ai pas appris à penser comme un noir, un noir pour qui la lenteur est synonyme d'intelligence et de réflexion, là où le blanc ne cherche qu'efficacité etc...
Il vit donc 18 ans, sans jamais se sentir en sécurité, dans ce pays où les blancs méprisent les noirs qui, en retour, les haïssent. Et puis il y a la politique du gouvernement, et l'opposition... Les léopards, qui mènent des exactions que l'on qualifierait de terrorisme intérieur maintenant. De félin, Hans n'en verra pas en 18 ans. Mais Hans se retrouve bel et bien dans l'oeil du léopard, menaçant, violent.
Henning Mankell, conteur et narrateur par excellence, sans manichéisme, nous parle de cette Afrique là, qu'il connaissait si bien pour y avoir passé une bonne partie de sa vie...
"Ce continent blessé, sa superstition, sa sagesse, sa misère et la souffrance que les blancs lui ont imposé. De l'avenir de l'Afrique, de l'opposition digne et admirable qui arrive toujours à survivre dans les parties les plus piétinées du monde. De cette Afrique qui a été sacrifiée sur l'autel occidental, qui a été dépossédée de son avenir pour une ou deux générations. Un pays meurtri par l'avidité du gain. Il y a ceux qui cherchent à comprendre le monde pour en profiter, d'autres pour le transformer, sans forcément utiliser la bonne arme et le bon moment".
Moult dialogues (offrant les différents points de vue et opinions) entre les protagonistes de ce roman, qu'ils soient noirs ou blancs, mériteraient d'être lus et relus, tant ils permettent de mieux comprendre le monde et ses distorsions.