ABDALLAHI, BD de DABITCH & PENDANX, tomes 1 & 2
Publié le 14 Octobre 2013
BD en 2 tomes, éditions Futuropolis - 86 pages X 2 - 27 € en coffret
Parution en 2006
L'histoire : Celle, romancée, de René Caillé, fils de bagnard, qui, parti de St Louis du Sénégal, fut le premier blanc à entrer seul... et à sortir vivant de la ville mythique Tombouctou (Mali), après un périple de 4000 km.
Tentation : Couv et pitch
Fournisseur : la bib
Mon humble avis : Cette BD est une galerie d'art ! Oui, c'est notamment ainsi que je l'ai perçue. Plus qu'une BD ! Peux t-on parler de graphisme quand chaque planche, chaque case n'est pas un dessin, mais une peinture, une peinture à l'huile il me semble. Ainsi, on entre dans cette oeuvre comme dans une galerie, et on admire les planches comme des toiles uniques. Mises à part celles qui représente la violence et les cruautés de ce périple, je me verrais bien décorer mon appartement de tels tableaux, qui sont une telle invitation au voyage, à l'observation... L'ocre du désert, les scènes de vies dans les villages reculés d'Afrique. Quel travail ! Quelle beauté ! Quelle réussite ! Une immersion au coeur de l'Afrique du 19ème siècle.
Venons en au sujet : Passionnant, fascinant, enrichissant, instructif ! Comme j'ai appris avec cette BD ! René Caillé est plutôt un paria, car fils de bagnard et orphelin. Il ne rêve que de découverte, et de réaliser un exploit : ce sera d'être le premier blanc à entrer et sortir vivant de Tombouctou, à l'époque où la ville était interdite aux blancs. Il fera ce voyage "seul" et "sans" assistance, entre 1825 et 1828... Je mets des guillimets, car il sera accompagné une bonne partie du voyage par Arafanga, un noir, esclave affranchi. Pour parvenir à son but, René devient Abdallahi le Maure, puis l'Egyptien. Il se convertit à l'Islam qu'il pratique assiduement, apprend l'arabe auprès des peuplades mauritaniennes et joue "son" rôle jusqu'au bout. Abdallahi nourrit des rêves d'absolu, d'horizon toujours plus loin mais il est vite rattrapé par les difficultés du voyage qui se transforme bientôt en enfer. Il échappera plusieurs fois à la mort des mains de l'homme, comme de la maladie, car son corps, celui qu'il cache, est bien celui d'un blanc, inapte à un tel périple.
"Certains rêves sont mortels, ils sont plus forts que la vie. Il m'aura fallu venir ici pour le savoir".
L'intérêt culturel de ces deux BD est indéniable. J'y ai appris moult choses sur l'Afrique, sur les débuts du colonialisme, sur l'esclavage. Je pensais l'esclavage "l'apanage" des blancs à l'époque, tout en sachant qu'il fallait déjà des noirs pour vendre leur frère, père, mère. Mais j'ai découvert ici que Maure et Arabes n'étaient pas étrangers du tout à ce trafic ignoble et que celui ci s'étendait jusqu'en Orient. D'intéressantes et sensées réflexions sur le voyage, la découverte de l'autre, le respect des cultures parsèment les pages. Le personnage s'interroge aussi sur la religion. Tout au long de son voyage, il prendra discrètement des notes dans son Coran pour décrire paysages, villes, tribus, peuplades. S'il s'était fait prendre à ce jeu, c'était la mort qui l'attendait.
René Caillé, surnommé "Le Marco Polo de l'Afrique", fut considéré comme un des premiers africanistes : anti-esclavagiste, humaniste, respectueux des hommes et des civilisations rencontrées. Bref, un blanc vraiment pas comme les autres pour qui les noirs n'étaient alors que des "sauvages". René Caillé pensait pouvoir abolir l'esclavage dans cette région du Sahel. Il semble hélas que ses découvertes soient un peu à l'origine du colonialisme... Les bonnes intentions des uns, détournées par d'autres qui se croient supérieurs et s'octroyent tous les droits.
Bref, une BD plus que magnifique et passionnante ! INCONTOURNABLE !
Bien entendu, Google ne livre pas les plus belles planches, mais celles ci annoncent tout de même la couleur !