RENCONTRE AVEC ERIC EMMANUEL SCHMITT
Publié le 26 Décembre 2011
Vraiment, j'adore les auteurs, ils me fascinent, je pourrais les écouter pendant des heures en plus de les lire !
Je suis comblée, depuis quelques temps, j'ai pu assister à pas mal de rencontre/conférence/dédicace d'auteurs que j'apprécie ou que j'apprends à connaître, en jonglant entre deux villes : Rennes et Bordeaux.
Le 30 novembre, Eric Emmanuel Schmitt nous faisait le plaisir de venir dans notre capitale bretonne, honorant l'invitation de la librairie Le Failler.
Si vous ne connaissez pas Eric Emmanuel Schmitt (est-ce possible ), sachez qu'en quelques années, il est devenu un des auteurs francophones les plus lus et représenter dans le monde. Dans la bibliographie ci dessous, non exhaustive (et de loin:!) on trouve
- la secte des égoïste
- l'évangile selon Pilate
- Oscar et la dame rose
- le sumo qui ne pouvait pas grossir
- la part de l'autre
- la tectonique des sentiments
- l'enfant de Noé...... de nombreuses pièces de théâtre
Et le tout récent "La femme au miroir", sujet de cette conférence.
Résumé du livre : Anne vit à Brugesau temps de la Renaissance, Hanna dans la Vienne impériale du début du siècle, Anny Lee à Los Angeles de nos jours. Trois destins, trois aventures singulières, trois femmes infiniment proches tant elles se ressemblent par leur sentiment de différence et leur volonté d'échapper à l'image d'elles-mêmes que leur tend le miroir de leur époque.
Voilà le personnage situé. Maintenant, voici le compte rendu de mes petites notes !
Le conférencier : Qui êtes vous E.E. Schmitt, comment vous présenter ?
EES : Je suis un raconteur d'histoires dans des romans, au théâtre, sur scène, sur écran...
Lors d'une dépression, j'ai été sauvé par Mozart (d'où l'écriture du livre "Ma vie avec Mozart"). J'essaie de mettre la musique là où elle est dans nos vies, donc pas dans un musée, là où elle est capable de nous toucher, quand elle nous aide à vivre, quand elle nous émeut. Mozart m'aide à être plus intelligent, à aimer la vie même quand elle est dure. Être heureux, ce n'est pas se protéger du malheur mais savoir l'accepter.
Le conférencier : Dans votre carrière, y a-t-il un avant et un après "Oscar et la dame rose" ?
EES : Oui. J'avais trouvé le ton que je voulais pour ce livre en écrivant Ibrahim et les fleurs du coran. Oscar et la dame rose, c'est le livre qui m'a rendu populaire. Ce sont les lecteurs qui font les auteurs. Je ne savais pas que ce livre pouvait être particulièrement utile, je l'ai découvert après, lorsque j'ai rencontrer des infirmières, des malades, des parents de malade qui me disaient lire ce roman ou le conseiller, tant la vision de la courte vie y est décrite avec une relative douceur.
Le conférencier : Dans la femme au miroir, les sujets sont multiples. On y trouve l'identité, l'amour, la femme...
EES : Oui, pour moi, c'était un peu comme l'étude de la condition humaine à travers la condition féminine. Pour un homme, c'est passionnant. Pendant l'écriture, j'avais un autre corps, je n'avais jamais eu autant de corps !!!
L'homme peut plus facilement vivre dans l'oubli de son corps (jusqu'à la cinquantaine, après le corps vous rattrape tout de même !). C'est ce qui fait aussi souvent sa bêtise, ses ivresses et lui donne son esprit conquérant !
Si la nature est aussi généreuse avec les femmes, la société est assez avare.
L'un de mes personnages se marie dans un calcul désespéré. Elle n'arrive pas à quitter l'enfance, à se sexuer, elle se sent déguisée quand elle s'habille le matin, elle se sent toujours moins femme que les autres. Elle ne se sent pas en adéquation à ce qu'elle doit faire, au rôle que la société lui donne. Elle a même honte de sa souffrance, elle qui a officiellement tout pour être heureuse...
Mes 3 personnages vivent tous dans un environnement oppressant. Les femmes sont plus oppressées que les hommes car le dictât de la société pèse sur toutes les parties de sa vie, jusqu'à son corps.
Eric Emmanuel Schmitt est fasciné par ce moment où les femmes se regardent dans le miroir, où elles essayent en fait de voir ce que les autres voient, ou alors juste un détail. Ce moment d'intimité est un fait un moment de souffrance, car si des dieux sortaient du miroir, ils diraient : "tu n'es pas dans la conformité".
Les 3 femmes du roman vont savoir briser le miroir, vivre leur propre vie et non le destin que les autres ont décidé pour elles. Les 2 héroïnes les plus modernes sont aussi les plus coincées dans les miroirs, surtout la comédienne qui, par la gloire, appartient aux autres. Mais les 3 femmes vont devenir rebelles malgré elles, malgré les obstacles.
EES : Chaque siècle propose des clés aux individus pour se comprendre, des clés différentes à chaque fois. A l'époque d'Anne de Bruge, c'est la religion. Pour Hanna, à Viennes au 19è et 20è siècle, c'est la psychologie, les romans psycho quand la psychologie de l'inconscient arrive avec Freud. Aujourd'hui, au 21ème siècle, c'est l'âge chimique. On se débarrasse de la souffrance avec des pilules ou on en retrouve d'autres avec la drogue, qui conduit à une autre camisole chimique pour se libérer, se désintoxiquer de la première.
Ce sont souvent des systèmes d'explication unique et les systèmes d'explication unique tuent.
Le conférencier : La culpabilité est très présente dans ce roman...
EES : c'est le point commun de 3 siècles de culture judéo chrétienne, la pression sur la repentance.
Le conférencier : C'est un livre féministe ? (question et message personnel pour Viviane !!!)
EES : oui. Mais qu'est-ce qu'être féministe ? C'est vouloir l'égalité entre l'homme et la femme. C'est une évidence psychologique mais pas encore citoyenne. j'espère qu'un jour, cette cause pourra disparaitre.
Le conférencier : D'où vous est venue l'idée de ce livre ?
EES : J'ai eu l'idée de la 1ère et de la 3ème femme il y a 14 ans... Mais c'était un piège car avec seulement 2 personnage, le livre aurait eu un aspect trop manichéen. La solution était dans un 3ème personnage, donc ma 2ème héroïne, pour qu'il y ait un jeu de miroir et pour retirer le risque manichéen.
A propos d'autres livres...
EES : Je cherche toujours l'universel, même dans mes rapports aux religions. Je m'intéresse à la culture de l'autre en cherchant les portes d'accès, donc les points communs avec ma culture. Même sous les différences, je cherche l'universel, sans doute parce que je suis philosophe et français ! Il faut consentir au mystère, à l'ignorance. Je n'aime pas quand on retire les peut-être.
Moi, au micro : Que seriez vous devenu si vous aviez été une femme, auriez vous été écrivain ?
EES : Alors là, je ne sais pas. Je dirais que je n'aurais pas été moi et que de toute façon, je suis un homme et ne peut rien y changer. Ce que je serais devenu, je n'en sais rien du tout. Mais comme je suis un homme, je suis sans doute devenu créateur par défaut de pouvoir donner physiquement la vie. Oui, il y a une intense frustration dans ma créativité, d'où ce désir de rajouter des êtres aux êtres.
Passons maintenant à ma collection de photos "Effets de mains d'auteurs". J'ai tellement de photos ratées que je n'ai que l'embarras du choix.... Sauf qu'une photo ratée est rarement à l'avantage du photographié. Alors, je vais me censurer, voire recadrer complètement !!!!
Et bien sûr, ma PAL s'est enrichi de :