L'ENFANT 44, de Tom Rob SMITH
Publié le 16 Janvier 2015
Thriller - Editions Audiolib - 12h20 d'écoute - 22.30€
Parution d'origine chez Belfond en 2008
L'histoire : 1953, à Moscou. Léo, agent zélé du MGB doit convaincre une famille que la mort tragique de leur petit garçon est un accident et non un crime. Les crimes ne peuvent pas exister en URSS, puisque le Parti assure la sécurité du peuple. Quelques mois plus tard, purgeant sa disgrâce et son exil dans un coin perdu de Russie, Léo découvre une mort similaire. Puis une autre, et encore une autre... bref, contre l'avis de l'Etat et au risque de sa vie, Léo se lance à la poursuite d'un sérial killer non reconnu par l'Etat. Il tombe alors en dissidence politique...
Lu par Frédéric Meaux
Tentation ; Une copine, il y a longtemps !
Fournisseur : La bib'
Mon humble avis : Il est des fois où des romans, des thrillers même, sont plus efficaces que tous les manuels scolaires d'Histoire. L'enfant 44 fait partie de ces livres. C'est avec lui, et non avec mon lointain lycée, que j'ai réalisé pleinement ce que c'était que de vivre dans1régime dictarorial communiste. En l'occurence ici, la russie Stalinienne et post stalinienne. Une réelle prise de conscience pour moi, et c'est là que ce situe, à mon humble avis, la force majeure de ce thriller. Le personnage principal en devient presque le contexte géopolitique. L'enquête, si elle est loin d'être dénuée d'intérêt et d'épilogue bluffant, reste assez secondaire, souvent remisée au second plan par les pratiques soviétiques atterrantes.
En 1953, sous Staline, la notion de présumé innocent n'existe pas. Si vous êtes arrêtés, vous êtes présumés coupables, donc coupables, quitte à ce que le MGB use de toute une batterie de tortures our vous faire avouer ce que vous n'avez pas fait. Pour un oui ou pour un non, vous êtes soupçonnés d'espionnage, et n'importe qui, pour sauver sa propre peau, risque un jour de vous dénoncer comme tel. Tout est fait pour "le bien du peuple, la sécurité du peuple"... ou encore, sous l'ordre du "Petit père des peuples". L'entraide est un crime contre le régime soviétique, la folie aussi, l'homosexualité aussi. Un meutre n'est pas un crime contre une victime, mais un complot contre le régime. Un régime, un Etat, des politiques, une police qui fait preuve d'un aveuglement inouï qui serait presque comique s'il n'était réel et infernal. Tout est lavage du cerveau, manipulations, mensonge, désinformations. On n'épouse pas un membre du MGB par amour mais pour avoir moins peur d'une arrestation intempestive.Tout est machination pour suivre "la ligne dun parti". Je me souviens, en terminale, ma prof d'histoire évoquait "les purges staliniennes", un terme dont je n'avais jamais vraiment saisi ni le sens, ni l'ampleur. Voici cette lacune réparée 24 ans plus tard. De même, pour moi, les trains de la mort partaient de France ou d'ailleurs en direction des camps nazis. J'ignorais qu'ils en avaient existé en URSS, emmenant des centaines de prisonniers dissidents, entassé des jours et des jours dans des wagons, vers les goulags
Dans cette Union Soviétique, vouloir arrêter un criminel signifie signer l'arrêt de mort de centaines d'innocents. C'est donc dans ce contexte, sans conscience puis avec une conscience peut-être trop forte, que Léo mène son enquête clandestinement, à travers le pays. Car oui, il y a bien meutres, même par plusieurs dizaines, qui suivent le même mode opératoire. Ce roman est aussi l'histoire d'un homme, ce Léo, qui au départ dévoué corps et âme au parti, ouvre les yeux et se transforme.
Certes, le roman en lui même comporte quelques longueurs et l'enquête ne devient réellement "thrillante" que dans le dernier quart du livre. Et encore, l'aspect "Thrillant" est, je le redis, plus dû au context historique qu'aux crimes eux mêmes. Pour nous lecteurs, l'ennemi N°1 est Le parti, terriblement pernicieux. Même si le serial killer est aussi terrifiant que ses "confrères" nord-américains.
J'ajoute que L'enfant 44 est extrêment bien documenté sur la vie en Union Soviétique dans les années 50 et sur les stratégies du MGB. Certes, nous sommes dans un roman, donc l'exactitude historique n'est pas toujours garantie, mais tout de même, comme il n'est pas question ici de dates ni de personnages précis mais d'une atmosphère générale, on peut penser que l'auteur est très très réaliste... Hélas.
A savoir, Tom Rob Smith a écrit 2 suites à cette histoire. Je vous déconseille de lire leur ptich avant d'achever votre lecture de "L'enfant 44", (qui est donc hautement recommandée vous l'aurez compris), afin de ne pas gâcher votre plaisir de lecture à la découverte du dénouement de ce tome.
Encore un livre qui vous fait dire : comme j'ai de la chance d'être née en France !
Encore un livre... pour ne pas oublier !