MARIANNE PORTE PLAINTE, de Fatou DIOME
Publié le 4 Juillet 2017
Essai - Editions Flammarion - 140 pages - 12 €
Parution le 16 mars 2017
La 4ème de couv : "Face aux attaques terroristes, sexistes, islamophobes, antisémites, Marianne mérite mieux qu'une lâche résignation. Ne laissons pas les loups dévorer les agneaux au nom de l'identité nationale. Marianne porte plainte !"
Tentation : le sujet
Fournisseur : Gilles Paris, merci pour l'envoi !
Mon humble avis : Ah l'identité nationale ! Le sujet, ou presque, des dernières campagnes électorales ! Sujet mis à toutes les sauces, dressé contre tous les maux du pays, dont chacun s'est accordé la primauté en lui donnant un sens très personnel, souvent très populiste.
Mais qu'en est-il vraiment de l'identité nationale française ? C'est sur ce sujet que s'interroge Fatou Diome, Franco-Sénégalaise et renommée dans le monde de la littérature...
Bon, bien sûr, elle n'a pas eu à me convaincre puisque j'appartenais à sa chapelle depuis longtemps, bien avant cette lecture, sans doute depuis que le sang coule dans mes veines. Mais cet essai est diablement intéressant, instructif et agréable à lire, même si, mini bémol, j'ai trouvé que certains propos se répétaient parfois.
Parce que la plume est magnifique ! Tantôt factuelle, tantôt poétique, tantôt caustique et incisive, tantôt sérieuse, et souvent très drôle, l'auteure faisant preuve d'un bel humour, notamment pour évoquer nos "chers politiques", sans les nommer directement... Plutôt des surnoms mais qui ne laissent aucun doute sur l'identité citée. Jugez par vous-même : "L'assimilationniste gesticulant", "François-fions-nous-à-dieu", "Don Manuel", "La mégaphone de l'Est", "La marine-marchande-de-haine" etc. Zemmour porte lui son vrai patronyme ! Bref, toutes ces personnes qui se disent "pompiers" du problème alors qu'ils en sont les pyromanes.
Au nom de Marianne et des enfants de Marianne, Fatou Diome s'insurge contre les discours de haine, de rejet, de la faute à, qui ont occupé nos écrans de télé ces derniers mois.
Pour démontrer l'aspect infondé de ces laïus, Fatou Diome fait appel à des grands hommes de l'Histoire de France et de la francophonie : Clémenceau, de Gaulle, Montesquieu, Césaire, Senghor, Chateaubriand, Monod, Lévi-Strauss, j'en passe et des meilleurs... et fait preuve d'une culture de l'Histoire de France et d'une maîtrise de la langue que bien des français "de souche" devraient jalouser, ou pour un sentiment plus noble, chercher à imiter ! Et surtout à admirer !
Et quid de tous ces Sénégalais, Marocains, Algériens (...) qui ont combattu pour la France à deux reprises, pour que celle-ci puisse à nouveau jouir de la Liberté qui flotte sur son drapeau ?
Français de souche... que bien des politiques, qui oublient leur arbre généalogique, s'estiment de dignes exemples...
Fatou Diome met en garde contre les dangers du repli identitaire, s'insurge contre la soi-disant "monoculture" de la France, les amalgames, l'ignorance, l'intolérance, les préjugés et ceci, à grands renforts d'arguments qu'elle ne sort pas d'une mallette de magicienne. Non, ce sont des arguties qu'elles nous proposent, mais accessibles à chacun et qui devraient être inutiles pour tout Humain digne de ce nom.
"Qui aime l'Homme devrait aimer toutes ses versions, et qui aime Dieu devrait aimer tous les noms qu'on lui donne et toutes ses créatures"
Il est bien sûr souvent question d'intégration et de cette utopique assimilation que certains politiques voudraient imposer... sans avoir sans doute vraiment réfléchi à ce sujet. Là, je peux parler en mon nom. Je ne suis pas énarque, mais j'ai du vécu, qui depuis longtemps, me donne à réfléchir sur ces sujets avec mes propres arguments ou exemples...
Au bout du monde... J'ai vécu en Angleterre, aux Etats-Unis et en Guadeloupe. La Guadeloupe qui, de fait, apporte une multiculture à la France et où les ancêtres ne sont point gaulois... S'intégrer, bien sûr, c'est l'objectif de chacun qui part vivre hors de ses racines, qui part grandir, pousser comme un arbre, en espérant développer les plus belles et solides branches possibles. Et bien ce n'est pas si facile, même si en quelques mois, on y parvient. Mais, quoiqu'il en soit et malgré mon ouverture d'esprit et ma quasi absence de préjugés, force m'a été donnée de constater que la plupart de mes amis étaient des blancs métropolitains... Quant à l'assimilation... Je n'ai pas fait l'effort d'apprendre vraiment le créole, même si je maîtrisais quelques phrases et expressions et le comprenais à l'époque de mieux en mieux. Même si je me suis mise à la culture "rhum" et que j'ai aimé cuisiner christophines, poulet coco etc, j'ai globalement gardé mes habitudes alimentaires de métropolitaine, les adaptant un tant soit peu aux tarifs et aux produits antillais.
"Grand-père, c'est quoi un bon musulman ?" ... "Un bon musulman, c'est un bon chrétien, c'est un bon juif, car si tu es correcte et respectueuse avec les gens, là-bas, peu importe en quoi ils croient et comment ils prient, ils t'apprécieront quand même, parce que tu seras avant tout un bon être humain"
En France... au Mac Do... Ah, je me suis intégrée ! Avec mes 45 ans et 25 ans d'expérience pro, oui me je suis intégrée à une population jeune, autour de la vingtaine et même, parfois moins. Malgré trois personnes récalcitrantes à ma façon d'être, je me suis intégrée, sur mon lieu de travail, à mes collègues. Mais assimilée, non ! Cela aurait été oublier qui je suis, mon vécu et ma façon d'être. Et comme, quelque part, on me forçait à l'assimilation, j'en suis partie. Et oui, scoop sur lequel je reviendrai bientôt !
Bref, tout ça pour dire que l'assimilation est une utopie qui ferait perdre l'identité individuelle de chacun, fait de différences donc de richesses potentielles.
Bon, je parle un peu trop pour "juste un billet de blog".
Revenons et concluons sur Fatou Diome... qui fait avant tout l'apologie de la tolérance, du rassemblement, du partage, de l'ouverture d'esprit et de l'ouverture au sens large, sans non plus jouer à l'autruche, bien consciente des problèmes actuels tant français que mondiaux (terrorisme, migration, chômage). L'humain doit retrouver son Humanité où alors, il se perdra. La mondialisation, irréversible, doit être pensée et actée autrement. Et surtout, l'éducation et l'instruction doivent être reconsidérées et envisagées comme la solution majeure face aux interrogations et difficultés actuelles.
Bref, au nom de Marianne, Fatou Diome s'insurge, propose et surtout, porte plainte contre les bonimenteurs qui, sous couvert de soi-disant bonnes intentions, détruisent peu à peu la fameuse identité française !
A lire, évidemment !
Ci-dessous la vidéo qui m'a donné envie de lire ce livre