ELOGE DES OISEAUX DE PASSAGE, de Jean-Noël RIEFFEL
Publié le 16 Octobre 2025
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Récit - Editions Equateurs - 168 pages - 18 €
Parution en mars 2023, existe maintenant en poche.
Le sujet : Enfant, Jean-Noël Rieffel était un rêveur comme le cancre de Jacques Prévert. Il contemplait la nature par la fenêtre. Au fil des années, il est devenu un fou d'oiseaux, un ornithologue amateur. Il nous raconte dans ce livre l'état de poésie permanent inspiré par cette passion.
Tentation : Le sujet pardi !
Fournisseur : Mon amie Chantal, merci pour le long prêt
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Mon humble avis : Voici un ouvrage ornithologique qui s'adresse à tous, vraiment ! De la personne la plus ignorante en matière de gente ailée jusqu'aux plus avertis, voire professionnels, des pratiquants de cette science, qui est élevée au rang de religion, parfois même de sacerdoce par ses adeptes.
Eloge des oiseaux de passage incite à s'extraire de notre quotidien aux occupations artificielles, matérielles, bruyantes, épuisante... Quittons les écrans ! Reconnectons-nous à la nature et regardons, écoutons ! Jean-Noël Rieffel invite même à fermer les yeux pour redonner place à notre ouïe et détecter un "pttti", un "tijou" un "Pschit", un "quedistu",un "ouhuit" trahissant la présence de l'invisible. L'invisible qui se dévoile ensuite si l'on prend le temps de s'arrêter et d'observer vraiment... jusqu'au moindre mouvement de feuilles qui peut annoncer la présence d'un roitelet huppé par exemple.
Je suis tombée dans le chaudron de l'ornithologie, via la photo, voici bientôt 5 ans, à la faveur d'un nouvel an confiné... Donc levée tôt, givre et verglas... Sortie avec mon appareil photo pour prendre la nature givrée dans mon quartier... Et me voilà à rester plus d'une heure devant une mangeoire d'un fond de jardin, à photographier chichement mes premiers pinsons des arbres, rougegorges familiers, moineaux domestiques, mésanges bleues etc... Et à m'ébahir de découvrir soudainement une telle diversité naturelle si près de chez moi. Je me suis ouverte et cela a changé ma vie et mes appareils photos. Je ne vais pas bien, je prends mon appareil et je file dans un coin de nature. Je vais bien, je fais de même... Et quelle que soit l'humeur de départ, celle de retour est bonne. Et me voilà atteinte du "birding compulsive disorder" !!! (autrement dit une névrose obsessionnelle des oiseaux). Mais une névrose bien positive ! Mais oui, je suis toujours au taquet, je détecte le moindre mouvement ou le moindre son qui qu'il y a telle ou telle espèce pas loin, je suis capable d'interrompre une conversation parce qu'un pic vient de lancer son chant tout près !
L'écriture est sublime, soignée et poétique. Au fil des pages, l'auteur évoque d'autres ouvrages artistiques illustrant la beauté des oiseaux, leurs symboliques, leurs usages, les croyances qui les entouraient à travers le temps : grands peintres, poètes, chansons, romans, livres ornithos . Tous témoignent désormais du bien-être, de la sérénité, qu'apporte l'observation des oiseaux, une façon parmi d'autres de se reconnecter à la nature. Même les expériences scientifiques confirment les bienfaits de l'ornithologie autant sur le corps que sur l'esprit humain, donc sur la santé. On gagne aussi en vertus... Car c'est qu'il en faut de la patience (j'ai encore de gros progrès à faire), c'est qu'il en faut du courage (là je suis encore novice, alors que bien de mes potes ornito se lèvent à point d'heure pour être sur site avant le lever du soleil, je savoure la chaleur de ma couette...), l'attention aux détails, pour avoir la chance d'observer telle espèce.
L'ornithologie évolue avec la technologie... il y a des balises posées sur certains migrateurs pour étudier leur trajet, le site internet Faune France et son appli permet à n'importe quel ornitho amateur de signaler la présence d'une espèce rare à tel endroit (présence comptabilisée scientifiquement, c'est aussi ce que l'on appelle la science participative... Un effet secondaire qui peut devenir perverse, qui attire d'un seul coup des dizaines de (photo)ornithos à ce même endroit. De même il existe la "tribu" des cocheurs, ces hommes et femmes prêts à traverser 3 fois la France et même aller plus loin pour potentiellement passer 10 mn à observer une espèce rare, tout en faisant bien fi de leur empreinte carbone.
De même, cet ouvrage ne pouvait passer sous silence le "silence des oiseaux"... Ces campagnes devenues silencieuses car désertées par les oiseaux, faute de haies, pour cause de d'agriculture intensive et d'usage de pesticides... Le pépiement des oiseaux qui disparait dans les villes, tant toute habitation est rénovée, lissée, n'offrant plus la possibilité de nicher etc... En France, depuis 30 ans, la population aviaire a chuté de 38 % en milieu agricole et de 29 % en milieu urbain.
Observer les oiseaux nous reconnecte aussi à nous même, à nos souvenirs, et active notre mémoire. Ainsi, je me souviens parfaitement de ma première Sittelle Torchepot, de mes premiers Plectrophanes de neiges, de mon premier (et unique) Cochevis huppé, de mes premiers Bécasseaux sanderling, de ma première (et unique) Talève sultane, ou de tel Alouette auprès de qui j'ai passé un long moment etc... Je me souviens du quand, quoi, comment, avec qui, et de l'émotion et l'excitation qui m'ont alors envahie. Après 4 ans et demi de photo-ornitho et donc de milliers de photos, pour la plupart - et même pour les oiseaux les plus courants, je sais dire "où", dans telle circonstance. Observer vraiment les oiseaux ça marque.
C'est tout cela que Jean-Noël Rieffel nous raconte ici. Aussi, lire cet éloge aux oiseaux de passage fut un véritable festin de souvenirs, d'images, de moment et un régal de promesses à venir, tant il me reste encore de belles observations inédites qui se réaliseront quand Dame Nature m'en jugera digne, dans un jour, dans 1 an, dans dix ans...
Prenez donc le temps de lire ce magnifique ouvrage. (si besoin, aidez-vous de google pour visualiser toutes les espèces citées) Et quand vous en aurez tourné les dernières pages, en matinée ou en fin d'après-midi, allez vous balader tranquillement dans la nature, près d'un étang ou d'une rivière. Regardez, écoutez, et vous verrez alors comme vous n'avez jamais vu, et même si cela ne changera pas forcément votre vie, vous vivrez ce moment dans l'instant précis, pleinement connecté mais très loin de la wifi. Et vous aurez envie d'en vivre d'autres, de moment comme ça. Et si vous êtes déjà ornithophiles, et bien "souvenirs souvenirs", en apprendre encore, et non, vous n'êtes pas seul !
Encore un billet bien long, mais comment résumer au maximum ce livre si riche en savoirs, en connaissances, et en sagesse ?
Ci dessous, en cadeau, une photo d'un Gobemouche noir, photographié à Dinard mi septembre.... Un oiseau de passage, le Gobemouche noir n'est habituellement pas présent en Bretagne... Mais c'est un migrateur.
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