L'ENFANT QUI MESURAIT LE MONDE, de Metin ARDITI
Publié le 20 Janvier 2018
Roman - Editions Points - 249 pages - 7.10 €
Parution en poche en juin 2017
Parution d'origine chez Grasset en août 2016
L'histoire : Kalamaki, petite île grecque aux paysages paradisiaque proche du continent, et rongée par la crise économique. Mais tous les habitants se connaissent et se soutiennent. Ils partagent la vie.
Parmi eux, Eliot, architecte New-Yorkais, vit sur l'île depuis 12 ans, depuis que sa fille qui étudiait les théâtres antiques y est décédée. Eliot cherche le nombre d'or à travers la Grèce.
Il y a Marika, pécheuse, et son fils Yannis, autiste profond, qui rythme certains moments de la journée d'une bonne partie de l'ile.
Il y a le maire, le prêtre, le cafetier, bref, toute une communauté se retrouve confrontée à un sacré choix... La construction d'un énorme complexe touristique... ou celle d'une école de philosophie et de théâtre antique.
Tentation : Pitch et couv
Fournisseur : Ma CB !
Mon humble avis : Ce roman est une pépite... ou plutôt un écrin... Tant je m'y suis sentie bien, tant il me tardait d'y retourner, tant l'envie était forte d'y rester et d'oublier "le reste". Sensation délicieuse et assez rare. La construction de "L'enfant qui mesurait le monde" est parfaite. Tous les ingrédients nécessaires à un bon roman, même s'il n'existe pas de recette miracle, sont présents. Sauf... Le pathos qui vu le sujet, aurait peut-être était plus développé par une autre plume. Ce n'est pas le cas ici, et c'est tant mieux. Cette histoire n'est absolument pas "tire larme", même si les moments intenses et émouvants ne manquent pas. Cette histoire est aussi dense que riches en sujets abordés, depuis l'émotionnel jusqu'au "géo-économique".
Déjà, l'histoire se déroule sur une petite île grecque, et celles et ceux qui me lisent régulièrement savent à quel point je suis fan des îles... La description des paysages, des petites criques, de la vie de la bourgade, tout ceci est délicieux, parfaitement dépeint, j'ai eu l'impression d'y être, de ressentir sur ma peau tant le soleil que la caresse des vents. Et tout cela dans une belle écriture, fluide, agréable.
Ensuite, il est question de l'autisme de Yannis. L'auteur suisse fait partie de la fondation Pôle Autisme en Suisse, donc il connait son sujet. Et ce roman permet vraiment de comprendre ce qu'est de vivre avec un enfant autiste au quotidien. Malgré l'amour voué à l'enfant, il y a la fatigue, le découragement, la rage et tous ces rituels à respecter. Certes, Metin Arditi a choisi un profil d'autiste particulier : le surdoué en nombres et chiffres. Parce qu'il fallait bien que l'enfant soit un minimum "romanesque" et puisse prendre part activement au déroulement de l'histoire. Au dernier trimestre 2017, je me suis occupée bénévolement, une matinée par semaine, d'une petite fille autiste de 8 ans. Une petite fille de 8 ans qui ne parle pas, ne regarde pas les yeux des autres etc... Aussi, je peux dire que j'ai retrouvé beaucoup de cette petite Néval dans Yannis, avec notamment, les stéréotypies Yannis est muré dans son monde, et seuls le rassurent ses calculs qui pour lui, attestent de l'ordre l'équilibre du monde qui le rassurent. Aussi, bien sûr, le personnage de Marika, la mère de Yannis, est très présent et parfaitement travaillé.
Il y a Eliot, originaire d'Argos, mais qui a fait carrière d'architecte réputé à New York, qui est arrivé sur l'ile 12 ans plus tôt, lors du décès de sa fille qui y vivait. Il va aider quotidiennement Marika à s'occuper de son enfant et va obtenir une belle évolution de celui-ci.
Puis, vient la question du fameux choix que j'évoque dans le résumé... Un grand groupe hôtelier souhaite implanter un gigantesque complexe dans une magnifique crique déserte. Cet hôtel résoudrait tous les problèmes économiques de l'île, et notamment, celui de l'emploi. Oui, mais... La crique serait défigurée, l'hôtel un ghetto à touriste, et l'équilibre du monde de Yannis mis en péril. Alors qu'un autre projet est proposé, qui s'intégrerait parfaitement dans le paysage et la vie de des iliens. Une école de philosophie et de théâtre antique. Interviennent alors une journaliste, le vice-président, des ministres etc... Car le sujet devient préoccupation nationale et emmène donc le lecteur à Athènes, dans les bureaux ministériels décisionnaires et autres. C'est lors de ces moments qu'est abordée la situation économique de la Grèce, les causes, les conséquences, le passé, l'avenir, les pressions de Bruxelles et du FMI, la liberté si chère au grecs et l'ingérence de ces institutions. Mais tout cela est décrit de façon simple, jamais trop longue, bref, pas ennuyeuse mais intéressante.
J'ignore si mes mots suffisent à traduire mon amour pour ce roman, alors je le redis haut et fort, ce roman est magnifique, très agréable à lire, profondément humain et résolument positif ! L'homme est capable de trouver des solutions à ses problèmes s'il n'oublie pas de penser à ce qu'il est vraiment, ce qui fait sa nature, s'il fait en sorte que les différentes couches de peinture soient compatibles entre elles. Et encore, je ne décris que 10% du roman, qui vous réserve donc bien d'autres surprises tout en douceur.
Un énorme coup de coeur ! A lire absolument !
Achat datant de 5 mois, mais je l'introduis tout de même dans ce challenge !