LES FEMMES SONT OCCUPEES, de Samira EL AYACHI
Publié le 28 Septembre 2019

Roman - Editions de L'aube - 176 pages - 20 €
Parution le 5 septembre 2019, Rentrée Littéraire
L'histoire : Elle vit avec lui et Petit Chose, le bébé... Et le 14 juillet, alors que claque le feu d'artifice, le couple éclate... Elle se retrouve seule avec Petit Chose, toute une vie à réorganiser, une parentalité à assumer seule. Elle va se réveiller, s'éveiller à elle-même, et réaliser qu'elle peut se réaliser.
Tentation : La 4ème de couv
Fournisseur : Gilles Paris, merci pour l'envoi.

Mon humble avis : Etant donné le bandeau qui l'accompagne, je pensais me plonger dans un roman presque léger, facile à lire. Ce qui n'est pas tout à fait le cas. Il n'est ni plombant, ni drôle à mon sens, même si quelques réflexions bien lancées prêtes à sourire, "Les femmes sont débordées" dégage une puissante rare. Dans les propos bien sûr, dans l'analyse des situations.
Ce roman autant féminin que féministe, s'adresse à toutes et à tous, solo, couples, parents, célibataires, parents solo, dont il est particulièrement question ici.
Samira El Ayachi démontre admirablement bien que le combat des femmes ne s'est pas terminé avec le droit de vote, l'accession à la contraception et la possibilité d'avorter. Le monde évolue et la femme doit, en plus de ses "devoirs" séculaires, assumer la vie active, sociale, professionnelle, et ceci, de plus en plus seule, puisque le nombre de divorces n'est un secret pour personne. La femme d'aujourd'hui est donc occupée, assiégée par tout ce que la société, la famille et l'entourage attendent d'elle : Etre une performeuse sur tous les plans tout en restant dans le moule de la bonne mère.
Oui mais, lorsque le mâle qui partageait vie et tâches disparaît, lorsque l'épaule et l'équilibre s'évaporent, il faut tout reconstruire.... Couler d'abord, terrifiée devant l'immensité des responsabilités parentales solitaires (qui freinent la construction de l'être en tant qu'individu), la pitié inspirée, la désertion masculine, l'agenda quotidien tant professionnel que parental, et la société qui n'est pas du tout conçue pour les mères célibataires... Puis peu à peu, reprendre pied, et faire un pied de nez à la vie, au regard des autres. Osciller entre obstacles et petites victoires. Oui, on peut réussir seule, oui, on peut être heureux sans être deux, sans être sous la coupe d'un /des hommes. La femme peut être libre sans entrer dans le moule sociétal. Mais assez du prix de cette liberté, qui semble gratuite chez les hommes !
Dans ce roman, l'héroïne est elle, tu, donc chacune d'entre nous. Nous ne connaissons pas son prénom, ainsi, libre à chacun de se glisser dans le "tu" , ou de se sentir interpellé par la "voix" de la romancière. Samira El Ayachi dresse un portrait sociologique de la femme d'aujourd'hui, le roman étant bien ancré dans notre époque, puisqu'il y est question des mouvements "mee too" et "gilets jaunes".
La séparation sera en fait le début de la propre découverte de soi-même, de son évolution, de sa révolution et de son émancipation réussie. Vous l'aurez compris, ce roman est courageux, audacieux et puissant. Force est de constater que même si ce n'est pas reconnu, le poids et la rotation du monde repose sur les femmes. Un monde fait par les hommes et pour les hommes. Devenir une mère monoparentale semble encore être considéré comme une maladie. Mais la révolution se poursuit et les choses changent, petit à petit. Mon petit bémol personnel irait à au style, qui n'est pas de ceux que j'apprécie, un peu trop haché, phrases très courtes etc. Un peu trop "urgent". Mais ce n'est qu'une question de goût qui n'enlève rien à la grandeur de l'oeuvre.
« Le monde est fait pour deux catégories de personnes. Les hommes. Les femmes riches. Les autres se retirent sur la pointe des pieds en riant doucement, et en s'excusant. »
"L'absent sera glorifié, sera le Héros. Les absents ne font jamais d'erreur".

3/6