EN FINIR AVEC EDDY BELLEGUEULE, d'Edouard LOUIS
Publié le 22 Octobre 2019
Roman - Editions Audiolib - 4h42 d'écoute - 19 €
Parution d'origine aux éditions Le Seuil en 2014
L'histoire : C'est celle d'Eddy Bellegueule, un enfant né dans un milieu très populaire en Picardie. Eddy n'aura de cesse de quitter ses parents, la pauvreté, sa classe sociale faite de racisme et de violence. Il s'insurge contre tout cela, mais surtout contre le monde qui s'est insurgé contre lui depuis toujours, le voyant comme une source de honte. Car Eddy est différent d'eux et pour eux, différent tout court.
Tentation : La blogo en son temps (et oui déjà 5 ans, je suis parfois longue à la détente !)
Fournisseur : Bib N°3
Mon humble avis : Edouard Louis raconte son enfance. Il aurait pu, pour cela, choisir la forme d'un essai, d'une enquête ou d'un témoignage. Il a préféré donné un espace littéraire à la violence qu'il a subi, la littérature étant un travail de langage. Et il a ainsi eu plus de liberté pour montrer dans ce livre comment la violence est située dans un langage, et qu'elle s'exprime par des mots. La forme du roman lui a donc permis de restituer la violence d'un langage et des mots qui aurait eu un moins d'impact via un autre support d'écriture. Edouard Louis superpose donc deux langages qui s'entrechoquent : celui d'Eddy enfant et de son milieu, et le sien devenu adulte et romancier. C'est comme cela qu'il peut rendre cet aspect si réel et compréhensible.
Le travail de l'auteur est donc admirable et terriblement abouti. Ce livre, on ne le lâche pas. Alors pourquoi seulement trois pattes de chats ? Parce que ce roman n'en n'est pas un, mais une histoire vraie. Et ce genre d'histoire vraie me met très mal à l'aise, tant la violence réelle m'est insoutenable. Ce type de lecture n'est pas du tout confortable pour mon âme sensible et révoltée face aux injustices, face à l'acharnement envers les plus faibles (en apparence) et sans défense, surtout dans un milieu où plaidoyer restera toujours vain. Eddy est différent, efféminé, délicat, curieux de culture dans un monde de brutes enfermé dans des codes, qui n'a pas été ouvert à la culture et aux différences. Un monde où un garçon doit devenir un homme, un vrai, un dur. D'où un racisme très présent dans les propos de la famille d'Eddy... Bien que ce racisme primaire se trouve aussi couramment dans des CSP +++ hélas.
Edouard Louis décrit la violence verbale, les moqueries, l'humiliation, l'incompréhension subit par Eddy, que ce soit par les siens ou par l'extérieur (l'école ou autre), cette violence insidieuse qui est souvent invisible de l'extérieur du foyer familial et qui évolue dans l'indifférence générale. Celle-ci m'a trop chamboulée pour que je puisse sauter d'enthousiasme envers cet ouvrage sur les dominés qui a pourtant tout de remarquable dans sa finesse, sa construction, son écriture, les émotions qu'il dégage et qui appelle à devenir autre chose que ce que notre condition a fait de nous.