LA VIE DEVANT SOI, de Romain GARY
Publié le 4 Mars 2020

Roman - Edition Folio - 274 pages - 9.50 €
Parution d'origine aux Editions Mercure de France en 1975.
L'histoire : Celle de Momo (diminutif de Mohammed), le narrateur, un garçon d'une dizaine d'années qui se dit algérien musulman. Momo est orphelin et vit chez Madame Rosa, dans une pension clandestine pour enfants de prostituées, au sixième étage (sans ascenseur) d'un immeuble Parisien. La vieille dame est une juive rescapée des camps de concentration nazis d'Auschwitz. Malade, elle refuse d'aller à l'hôpital et, sous des airs un peu brutaux, s'occupent des enfants avec une affection particulière pour Momo, qui lui rend bien. La vie devant soi est l'histoire d'amour indissoluble entre Momo et Madame Rosa
Tentation : Ma PAL
Fournisseur : Ma PAL

Mon humble avis : Enfin, enfin, j'ai lu ce roman, prix Goncourt 1975, paru la même année sous le pseudonyme Emile Ajar et devenu depuis un classique incontournable... sur lequel tout a été dit !
Quelle est donc mon ressenti subjectif de ce livre ? Pour être honnête j'ai éprouvé quelques difficultés à rentrer dedans, tant le style m'a prise au dépourvu. Le style, c'est celui de Momo, un gamin parisien qui a 10 ou 14 ans, et qui mène une vie dure d'orphelin clandestin. C'est un môme qui voit tout, qui voit trop pour son âge, qui entend tout, qui entend trop pour son âge, qui se forme et s'instruit comme il peut dans la rue au fil de ses rencontres, et avec ce que Madame Rosa lui apprend de la vie. C'est donc le style d'un gamin, avec des erreurs de mot, des phrases pas toujours dans le bon sens etc... Bref, au début, il faut suivre, s'adapter.
Puis, je me suis habituée à cette narration et cette écriture qui est sont si parfaites pour donner vie et réalisme à cette histoire qui n'était pas racontable autrement ! Alors, la grandeur de l'oeuvre m'a sauté aux yeux, j'ai souri à la lecture des expressions bien à lui de Momo, l'émotion m'a prise à la gorge et les pages se sont tournées toutes seules. La vie de Momo et de Madame Rosa est terrible, leur soleil est l'affection sans borne qu'ils se vouent, jusqu'au dévouement le plus extrême.
Mille et un thèmes sont abordés dans ce roman, donc impossible de les évoquer tous ici. Mais parmi eux, sont particulièrement développés les suivants : le traumatisme des rescapés de la guerre, et notamment celui des juifs, puisque Mme Rosa est juive, encore persuadée "qu'on va venir" la chercher. Le sort des enfants de prostituées dans les années 70, et des prostituées elles-mêmes, qui pour éviter que leurs enfants 'illégitime et non déclarés" soient "absorbés" par l'assistance publique, les confient quelque temps à des pensions clandestines, comme celle de Madame Rosa. Le thème "du droit des peuples à disposer d'eux même", c'est ainsi qu'il est nommé dans la bouche de Momo, et qui est en fait le droit à mourir dignement, donc l'euthanasie, est très développé. Et puis, évidemment, il y a le thème de l'enfance bafouée, clandestine et particulièrement pour Momo la vie et le sort des orphelins, sans parents, sans réelles origines. Et puis l'époque aussi.
Alors oui, j'ai adoré ce que Momo m'a raconté et sa manière de le faire, même si derrière ses réflexions amusantes se cachent bien d'autres choses. Quel que soit son âge, Momo est un garçon qui la vie a obligé à grandir trop vite. Momo est autant ingénu que clairvoyant sur la vie et la société, ses dysfonctionnements, ses hypocrisies, il est tellement timide et en même temps spontané et réfléchi, tellement digne dans un monde où plus grand-chose ne l'est qu'il ne peut que provoquer admiration et affection XXL. Momo et Madame Rosa sont des personnages hors du communs, qui je pense laissent une trace au fer rouge dans l'esprit du lecteur et l'accompagnent pour la vie qu'il a encore devant soi !
