CECI N'EST PAS UN FAIT DIVERS, de Philippe BESSON
Publié le 22 Février 2024
Roman - Editions Julliard - 204 pages - 20 €
Parution en janvier 2023 (existe en poche)
L'histoire : Il a 19 ans lorsqu'il reçoit l'appelle de Léa, sa petite soeur de 13 ans. Elle lui dit : "Papa vient de tuer Maman".
Alors étudiant danseur à l'opéra de Paris, il prend le premier train pour sa Gironde natale. C'est ce que raconte ce livre, les heures, les jours, les mois qui suivent l'ignominie, et la difficile reconstruction de deux êtres brisés et sans repère. Cela et bien d'autres choses aussi.
Tentation : La blogo
Fournisseur : La bib de St Lunaire
Mon humble avis : Ce roman est inspiré d'un fait réel...
Définition de fait divers : "Événement sans portée générale qui appartient à la vie quotidienne".
Philippe Besson s'attaque ici au délicat sujet du féminicide... Et il prouve clairement qu'un féminicide, qui sera classé dans les rubriques "faits divers" n'a rien de cela, tant la portée du geste est générale et que jamais au grand jamais, il ne devrait faire partie de la vie quotidienne.
17 coups de couteaux sur Cécile, la mère du narrateur et de Léa, qui était dans sa chambre au moment des faits. Le meurtrier, le père et époux, prendra la fuite et sera retrouvé quelque temps plus tard. Il y a enquête, procès etc... Il semble que personne n'ait rien vu venir.
Or, quand le narrateur fait appel à ses jeunes souvenirs, qu'il interroge ses proches (amis, familles), il réalise que les signes, même les signaux d'alerte étaient bien là. Mais personne n'a rien dit, personne n'a bougé, tout le monde s'est enfermé dans sa propre conscience se répétant ce mantra infernal : les affaires des autres ne me regardent pas, ce sont des histoires de couples etc. Même la gendarmerie a fermé les yeux un an plus tôt lors d'une main courante déposée par Cécile, main courante immédiatement classée sans suite.
Dans cette histoire tragique, Philippe Besson pointe le doigts sur les manquements de chacun, individus et institutions. Il dénonce aussi la froideur de la justice, le manque d'accompagnement des victimes dites "collatérales", mais qui sont de fait victimes directes. Encore en vie certes, mais dans quelle vie ? Alors que les deux enfants vivent un drame affreux, aucune aide administrative n'est mise en marche, un gendarme propose vaguement, sans insister, un soutien psychologique. C'est le grand-père dévasté qui va devoir tout gérer, et le grand frère, à peine sorti de l'adolescence.
Le crime est abject, la non-réaction sociétale révoltante. La plaidoirie de la défense est écoeurante. La détresse de ces deux enfants effroyables et les conséquences psychologiques du meurtre se révéleront abyssales. Philippe Besson donne donc la parole à ses victimes invisibles et silencieuses.
Un roman coup de poing (dans une fourmilière j'ai envie de dire), qui plonge le lecteur dans un état de sidération. Chaque étape vécue par Léa et le narrateur est parfaitement parfaitement décrite et analysée.
L'écriture est sans effet ni esbrouffe, et j'ai d'ailleurs peiné à reconnaître le style Besson que j'aime tant. J'ai eu l'impression d'irrégularités. Sans doute est-ce voulu... Après tout c'est un tout jeune homme détruit, et loin du milieu littéraire, qui narre son histoire. Donc ceci explique peut-être cela.
En sortant des chiffres, la littérature en pénétrant nos sentiments sur la durée, peut aider à éveiller les consciences... Ne pas fermer les yeux sur ce qui se passe autour de nous, que ce soit par confort ou par bienséance sociale.