MON PERE, de Grégoire DELACOURT
Publié le 22 Novembre 2024
Roman - Editions Audiolib - 3h23 d'écoute - 15.95 €
Parution d'origine chez J.C Lattès en 2019
L'histoire : Edouard découvre qui a violenté son fils Benjamin durant un camps de vacances avec la paroisse... et le retrouve. Il s'agit d'un prêtre. Il dévaste d'église et y retient captif le "père" pendant presque trois jours... jusqu'à ce que ce dernier avoue.
Tentation : Le sujet
Fournisseur : La bib de Dinard
Mon humble avis : Grégoire Delacourt s'est toujours demandé ce qu'il ferait si quelqu'un attentait à l'un de ses enfants. Quel père, avec quelle force et quelle faiblesse, il serait. Ce roman terriblement puissant et saisissant sur les pires abjections qu'il puisse être faites à un enfant est sa réponse.
Nous voici donc dans un huis-clos aussi émouvant, que répugnant, que révoltant... bien que ces termes soient très faibles pour exprimer ce que l'on ressent durant cette lecture.
Nous avons l'enfance d'Edouard entre un père boucher et une mère bigote qui ne jure que par Dieu. Puis un mariage, la naissance de Benjamin... Et quelques années plus tard, un divorce et un petit garçon de 11 ans qui est une proie facile pour les prédateurs dans la gueule desquels la famille l'envoie innocemment, en toute confiance, pour un camp d'été... Et puis, au retour, Benjamin n'est plus le même. Il faudra longtemps à Edouard pour comprendre...
Mais le "vif" du sujet, nous y entrons de suite... Edouard saccage tout d'abord l'église du père Préaumont, avant de l'y séquestrer. Edouard est dans la colère primitive d'un père brisé, d'un père qui a failli à protéger son fils. Il va hurler, interroger, harceler, monter à l'assaut, torturer, tout pour que le coupable avoue. Et le coupable se montre d'une bassesse sans nom (il nie d'abord en faisant porter la faute par l'un de ses "confrères" qui vient d'être muté). Puis il va avouer mais sans sembler comprendre l'horreur, la monstruosité de ses aveux. En gros, tout lui paraît normal, il n'a fait "qu'aimer"...
Et c'est cela qui est le plus effroyable. Le prêtre ne semble pas conscient du crime qu'il a commis. Et l'Eglise dans tout cela, qui est bien silencieuse, qui laisse faire, qui traite ces affaires en interne. Le châtiment n'est jamais à la hauteur du crime... On éloigne juste... pour que cela puisse mieux recommencer ailleurs ? Avant d'être un prêtre, un homme est avant tout un citoyen et devrait être jugé par les instances juridiques d'Etat. On éloigne, on ne soigne pas. Moi, ces hommes qui soi-disant répandent "la bonne parole", jusque dans le lit des enfants, je les castrerais, purement et simplement.
C'est répugnant. On en parle de plus en plus, enfin... Les témoignages affluent... Que dire... Ca fait belle lurette que j'ai quitté foi et Eglise, qu'on ne m'en parle plus de cette Eglise qui se veut un refuge des pauvres brebis égarés et qui donne des leçons de moral à la terre entière sans être capable de ses soigner elle-même...
Ce roman est à lire même s'il est très dur. Grégoire Delacourt a trouvé les mots pour dire l'indicible, tant dans la douleur, la colère, la revanche, que dans l'ignominie de l'infamie et de la perversion. Les phrases claquent, les mots percutent, l'ensemble bouleverse et met à mal. On ne digère jamais une telle lecture, qui nous laisse abasourdi, complètement K.O, dans un état de sidération. Et pourtant, un tel roman, magistralement mené par un auteur dont le talent n'est plus à prouver, est hélas terriblement nécessaire... Pour que les uns écoutent, observent, détectent et que les victimes parlent et accusent... Et qu'enfin la justice et l'Eglise joue leur rôle initial de protecteurs des opprimés.