EVA ET LES BETES SAUVAGES, d'Antonio UNGAR
Publié le 10 Juin 2025
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Roman - Editions Noir sur Blanc- 181 pages - 19.50 €
Parution en janvier 2024
Mon pitch : Au fin fond de la jungle colombienne, sur le fleuve Orénoque, une barque dérive... Sur cette barque Eva, infirmière, se vide de son sang suite à une balle reçue.
Rejoindra-t-elle la terre des vivants, et sa petite fille, ou deviendra-t-elle pitance pour bêtes sauvages... Finalement, elle ne la connaissait pas tant que ça cette jungle et ses dangers. Mais d'ailleurs, pourquoi cette citadine fêtarde est-elle venue dans là, loin de Bogota et de ses excès ?
Tentation : La couverture.
Fournisseur : La bib de St Lunaire
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Mon humble avis : De la littérature colombienne ! Histoire de sortir de ma zone de confort et de sentiers un peu plus battus. Cette barque sur cette eau calme me faisait de l'oeil depuis un moment dans les rayons de ma médiathèque... et bien ce fut très tumultueux.
Cette histoire est inspirée de faits réels... L'auteur (également journaliste), qui m'était inconnu est très réputé dans la littérature d'Amérique Latine.... Il a vécu presque deux années dans le village et le port d'Inirida qui servent de décors à ce titre.
Dans un premier temps, on lie connaissance avec Eva, jeune femme, puis mère, qui mène une vie très chaotique (alcool, drogue, liaisons douteuses) à Bogota. Elle se ressaisit et parvient à décrocher un diplôme d'infirmière.... Suite à un voyage révélateur, elle décide de postuler dans un dispensaire reculé, en pleine jungle... Son entourage fréquentable se résume alors à sa petite fille, au médecin, à l'autre infirmière, à deux ou trois prostituées, un jeune étudiant et... un négociant qui, après lui avoir fait la cour, gagne tout doucement son amour. Mais autour, c'est une autre histoire... Narcotrafiquants, guérilleros, paramilitaires d'extrême droite, orpailleurs, armée régulière... Quand soudain la rumeur enfle... il y aurait un gisement d'or considérable un peu plus en amont du fleuve... Dès lors, toutes les factions en présence se livrent une guerre sans merci, et surtout, sans foi ni loi. Les premières victimes sont les paysans, les populations autochtones, les petits orpailleurs sous- payés par leurs patrons et qui mènent des vies de misères. Alors qu'on se rue vers l'or, des villages entiers meurt de faim.
Ecrit après les accords de paix de 2016 entre les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie), ce roman dénonce la violence inhérente et récurrente en Colombie. En France, on a parlé des Farc à l'époque où ils ont détenu pendant plus de six ans la franco colombienne Ingrid Betancourt, au fin fond de la jungle. Antonio Ungar nous décrit son pays des années 90 et suivantes... Sachant que malgré les accords de paix, rien n'a vraiment changé... Les narcotrafiquants sont toujours là et occupent en plus la place laissée libre par les Farc pour augmenter la production de coca, toujours de la violence, des règlements de comptes etc...
Eva et les bêtes sauvages est donc un roman fort instructif sur cette réalité colombienne, les conditions de vie dans la jungle sous la guérilla : la peur permanente, le danger partout, la violence gratuite et sanguinaire, la corruption, et la pire des misères. On ne vit pas, on survit. C'est édifiant, saisissant, terrifiant, choquant évidemment, mais intéressant. Par contre, même si la plume est agréable, il n'est pas toujours évident de s'y retrouver parmi les "forces" en présence. Le roman est court et de ce fait, il laisse peu de place à la psychologie des personnages qui aurait mérité plus de détails pour provoquer l'émotion. La force de l'engagement et du sacrifice d'Eva est peu palpable. D'ailleurs, il est finalement peu question de son poste dans le dispensaire. Cet aspect-là, cumulé au côté un peu confus du récit, m'en a laissée extérieure, alors que la quatrième de couverture semblait bien plus prometteuse. Dommage, mais intéressant tout de même.