LE CHANT DU PROPHETE, de Paul LYNCH

Publié le 5 Juillet 2025

Roman - Editions Albin Michel - 293 pages -22.90 €

Parution en janvier 2025

Mon pitch : A Dublin, un soir de pluie, deux hommes de la GNSB (nouvelle police secrète) sonnent chez les Stacks. Ils souhaitent s'entretenir avec Larry qui est absent. Ce dernier se rend au commissariat le lendemain... Et n'en reviendra jamais alors que le gouvernement déclare l'Etat d'urgence. C'est le début de l'enfer. Eilish Stacks se retrouve seule avec ses 4 enfants, dont le dernier nouveau-né. Jusqu'où devra-t-elle aller pour les protéger et les garder vivants dans ce chaos indescriptible fait de privations, de restrictions drastiques, de danger, de violence...

 

 

Tentation : La blogo

Fournisseur : La bib de St Lunaire

 

Mon humble avis : Roman ultra primé, dont du fameux Booker Prize... Quand une démocratie bascule dans la dictature.

Le chant du prophète est une lecture terrible, anxiogène, étouffante et pourtant prenante. On est ahuri et abasourdi de cette plongée en "absurdie". Mais une absurdité réaliste, vraie, certainement existante. Cette histoire est une dystopie car elle se déroule en Irlande, pays démocratique et en paix. Mais il y a bien des pays au monde où cette dystopie n'est pas fiction : pays en guerre contre un ennemie extérieur, pays en guerre civile, pays totalitaires etc... Je pense qu'il existe des Eilish Stacks dans toutes ces contrées. Eilish Stacks, une mère courage que nous ne quittons pas un instant durant ces presque 300 pages.

Cela commence par des disparitions (Notamment celle de Larry, enseignant et syndicaliste), des licenciements, des arrestations, l'Etat d'urgence... Et cela va jusqu'aux bombardements aériens. Il y a l'armée régulière, les rebelles, les milices. On ne sait plus qui est l'ennemi puisque chacun finit par se comporter de la même manière que celui qu'il combat : que ce soit dans la façon brutale d'être ou dans les décrets absurdes qui paraissent chaque jour. Plus rien n'a de sens. Certains habitants fuient la ville et le pays pendant qu'il en est encore temps. Eilish veut rester, au début pour être là au retour de son mari. De plus, à l'autre bout de la ville, son père s'enfonce dans la maladie d'Alzheimer. Puis... je vous laisse découvrir la suite... C'est donc cette résistance, qui page après page progresse vers la survie, et uniquement la survie, que Paul Lynch nous décrit ici. Les personnages sont très attachants et admirables pour certains... Eilish est de ces femmes que l'on n'oublie pas, tout comme sa fille Molly qui à peine adolescente, n'a d'autre choix que de devenir adulte.

Oh c'est parfaitement fait, avec des mots précis, Lynch nous emmène dans cette désespérance glaçante que seul l'instinct de survie et de protection empêche de devenir folie. On est dans le coeur d'Eilish, dans ses peurs, dans ses mensonges, dans ses espoirs, dans sa rage, dans son courage, dans ses mains, dans ses veines, dans ses pieds, dans ses yeux, dans ses oreilles, dans sa tête. Sous bien des aspects, on ne peut être qu'admiratifs du talent de Paul Lynch pour décrire cette spirale cauchemardesque et nous la faire ressentir, voir vivre. Avec en parallèle, la maladie d'Alzheimer de Simon. Il y a de la maestria dans ces pages. 

Et pourtant, j'émets deux bémols qui ne relèvent pas du détail...

Etait-il nécessaire d'aller si profondément et si longtemps dans l'horreur ? Eilish, et à travers elle les lecteurs, ne pouvaient-ils pas être épargnés de certaines épreuves sans que l'objectif et la force de ce roman ne soient remis en question ? A la fin, j'ai eu une impression de surenchère (je ne peux en dire plus sous peine de spoiler)... Certes réaliste, mais est-ce indispensable ?

Enfin et surtout, le style rédactionnel... Aucun espace ni aération dans le texte, pas d'alinéas, pas de paragraphe, pas de "tirets ouvrez les guillemets" pour annoncer un dialogue. Tout est écrit au kilomètre avec de temps en temps, un saut de ligne. Cela ajoute donc à l'aspect étouffant du sujet. C'est peut-être voulu mais ce n'est pas vraiment agréable à lire et même parfois difficile. Il faut se concentrer notamment au moment des dialogues pour savoir qui parle, et se fier aux indices d'accords et de conjugaison pour deviner parfois. Bref, cette absence de mise en page est très déstabilisante d'entrée de jeu, même si l'on finit par s'habituer à peu près, la sensation d'asphyxie demeure.

Aussi, malgré les manifestes grandeur et indélébilité de l'oeuvre, je suis bien incapable de vous dire si je vous en conseille ou non la lecture.

 

"L'histoire, c'est le registre silencieux de ceux qui n'ont pas pu partir, de tous ceux qui n'ont jamais eu le choix, comment partir quand on n'a nulle part où aller, on ne va nulle part quand nos enfants ne peuvent pas obtenir de passeport, on ne va nulle part quand on a les pieds enracinés dans le sol et qu'il les faudrait pour pouvoir partir."

 

L'avis de Violette

 

Rédigé par Géraldine

Publié dans #Littérature d'ailleurs

Repost0
Commenter cet article
D
Bonsoir Géraldine, un roman en effet qui laisse un peu perplexe. Très noir. J'espère ne jamais ça avant ma mort. Je ne comprends pas ce qu'a vraiment voulu nous raconter l'écrivain. Bonne soirée.
Répondre
V
Il est vraiment terrible ce bouquin, affreusement angoissant mais je l'ai trouvé malgré tout très bien ficelé et bien écrit.
Répondre
L
je renonce à cet auteur je le trouve trop sombre pour moi.
Répondre
A
C'est l'écriture au kilomètre qui me freine le plus. Par ailleurs l'accumulation d'épreuves, dans la vie ça arrive aussi, surtout lorsque l'on se retrouve dans la situation qui est celle d'Eilish. Du même auteur j'ai beaucoup aimé "Un ciel rouge, le matin" très dur également.
Répondre
P
Je ne connais l'auteur que de nom et je ne pense pas lire ce livre d'après ce que tu en dis.
Répondre
F
Je l'ai vu passer mais j'avoue que ça ne m'a jamais tentée, malgré les prix et compagnie. L'auteur est très sympathique cela dit. Je l'avais vu à une petite conférence à Paris.
Répondre
J
L'écriture "au kilomètre" me refroidie un peu
Répondre
S
J'ai l'intention de le lire pour mon Objectif SF 2025 : j'espère que j’adhérerai au style...
Répondre
S
Il y a de ces romans parfois avec lesquels on est embêtée effectivement pour les recommander. Mais tu expliques très bien ce qui t'a gênée et ça va aider beaucoup de lectrices et lecteurs à se décider en connaissance de cause. Merci !
Répondre
I
J'ai Grace, de cet auteur, sur ma pile depuis sa sortie... dont je repousse incessamment la lecture notamment parce que plusieurs lecteurs lui reprochent la même chose que toi à celui-là : une sorte de surenchère dans la violence.. je tenterai tout de même, mais je ne sais pas encore quand...
Répondre
M
Je ne l'ai pas encore lu ! Je n'ai lu de lui que "Au-delà de la mer" que j'avais pourtant aimé mais mes listes d'envies sont tellement longues, que je n'en viendrai jamais à bout ! Merci pour ta chronique
Répondre