BIENVENUE DANS LA VRAIE VIE, de Bernard FOGLINO
Publié le 24 Août 2011
Roman - Editions Buchet.Chastel - 312 pages - 19 €
Parution le 25 août 2011
RENTREE LITTERAIRE
L'histoire : Le Marché, la Bourse.... Tout cela doit monter, monter, inexorablement pour le bonheur universel. Les yeux sont rivés sur le Big Board (le grand écran), où les chiffres changent et s'échangent en quelques millième de seconde....
Franck Modrano travaille pour le Consortium, la plus grande banque du monde. Il est le meilleur pour dégoter les perles qui exciteront ensuite les traders... Mais voilà, il est à court d'inspiration....
Alors, en une nuit, il trouve l'idée du siècle. Créer une société fictive... En quelques jours, cette société, For Ever Green, dépassera toutes ses espérances et affolera le marché, faisant de lui une star adulée... Jusqu'au jour où...
Tentateur : Denis, de Libella
Fournisseur : Libella et Buchet Chastel, merci pour l'envoi.
Mon humble avis : Un livre ô combien d'actualité ! J'entame sa lecture alors que les journalistes s'interrogent sur la possibilité d'un krach boursier et nous feraient bien croire en l'Armageddon...
Après quelques pages, je sais que ce livre va me plaire, par son ton, son style. Je vais trouver la dose d'humour et de cynisme, de causticité et de moquerie nécessaire à ma bonne santé livresque. Déjà je souris et je ricane.
Je ne comprends rien au milieu de la bourse, du Marché, qui m'intéresse à peine alors qu'il est le support du monde. Mais trop nébuleux pour moi.
Sauf que, avec Bienvenue dans la vraie vie, tout cela s'éclaircit. Une nouvelle fois, voici la preuve que l'instruction passe avant tout par le jeu, la distraction. Bernard Foglino décode pour nous le fonctionnement du Marché, de cette fourmilière qui peut vous ruiner ou vous enrichir en une nuit !Je découvre le métier de ce Franck, analyste, chargé de trouver les sociétés qui crèveront le marché de demain.... quitte à attendre des résultats d'expériences sur un rat de laboratoire... Et là, ça me fascine, cela devient même limpide, cela m'accroche complètement et m'amuse beaucoup.. Même si c'est cynique à souhait et que cette histoire se fait le miroir de notre société aux bien tristes valeurs. D'ailleurs, parlons en de valeur. Ce roman est vraiment propice à la réflexion sur la valeur et le prix des choses, deux notions bien différentes si l'on prend le temps d'y penser. D'ailleurs, durant les quelques jours qu'ont duré ma lecture, j'ai beaucoup réfléchi à cela et l'envie m'est même venue de me lancer dans une dissertation de philo. Car je réalise que dans ma vie, les seules choses qui ont réellement encore un prix officiel sont mon réfrigirateur (neuf), mon ordinateur (de base) mon lecteur mp3 (neuf) et ma voiture (argus). Sauf que ma voiture ne vaut plus rien à l'argus, à peine quelques centaines d'Euro. Elle passe donc dans l'autre colonne de ma vie : la valeur. La valeur que je donne à mes affaires. Ma voiture, c'est ma liberté. Et les drapeaux à prières bouddhistes qui flottent au dessus de ma fenêtre, achetés à peine 1 €, représentent le suprême dépassement de moi, le Camp de Base de l'Annapurna, 4300mètres. Après, il y a mes livres, mes bibelots, mes peintures. Une valeur inestimable, mais pas de prix... Trêve de digression...
La troisième partie, comme une route de montagne en lacet, m'a un peu perdue, me récupérant tout de même à chaque épingle à cheveux ! Car le narrateur quitte l'ordre chronologique et notre personnage part un peu en vrille, comme tout homme ultra stimulé et dépassé par sa propre réussite, qui en veut toujours plus, à qui l'on en demande toujours plus. Un homme pris dans le piège du monde : tout faire pour garder son siège, même se lancer dans ce qui semble l'inédit, même si, sans le savoir il est toujours comme une marionnette que le tout puissant agite comme il veut. Bref, le Système. Tout pour rester dans ce monde impitoyable, dans la vraie vie.
L'auteur prend ici l'exemple extrême de la bourse et de la plus grande banque du monde, dont la description tiendrait presque de la SF, mais c'est la pauvreté du comportement humain qu'il constate, la superficialité de son terrain de jeu, et surtout son appétence dérisoire et bien fragile, au mépris des conséquences sur la vie de millions d'individus.
Petit bémol en passant : j'ai trouvé la réponse à LA Question très vite.... Peut-être est-ce voulu et comme d'habitude, les personnages de l'histoire ne possédant pas le regard extérieur du lecteur, ne voient pas l'évidence ???
Sur la fin, on en vient forcément à penser à un certain Jérôme K, qui à "lui tout seul" a fait trembler la terre.... Et tout au long de ma lecture, je me suis demandé ou s'arrêtait la réalité et où commençait le romanesque. Car s'il n'y a dans ce livre que réalité romancée, et bien mes amis, je peux vous dire que notre monde repose sur... RIEN.
Un très bon livre, qui vous éclairera, vous initiera sans vous barber, vous amusera et vous fera trembler... Un roman que je classe dans la catégorie fascinant.
" Chance... Fortune... La chance, ça se saisit, la fortune, il faut croire que ça se mérite..."
"Quand le vent souffle, même les dindes arrivent à voler" (proverbe boursier)
"Qu'est-ce qu'un vendeur ? Un être altruiste, qui place sont client au centre de tout. Animé par l'obsession de lui fournir le meilleur service possible. Quelqu'un qui écoute avant de proposer. Qui fait mieux qu'écouter, qui entend, qui devine. Qui fait mieux que proposer, qui trouve la solution parfaite" ( ahah, c'est tout moi ça, sauf quand je suis très en retard sur mon CA !!!!)
" La valeur est une chimère. Rien n'a de valeur, tout a un prix, notre job est de le deviner.... Rien n'a de valeur ici-bas, puisque le prix des choses repose sur l'échange, et que derrière l'échange, se cachent égoïsme et cupidité".
"Epidémie, guerres pour l'espace vital, l'homme devient allergique à lui même"
"La bourse est une guerre où l'on ne voit jamais celui qui vous tue"
"Ce qui a de la valeur pour le Marché, c'est la nouvelle, pas sa véracité".
" Les krach sont nécessaires. Commes des purges. Ils assainissent. Ramènent aussi un peu d'humilité et de retenue chez nos semblables".