J'AI DESERTE LE PAYS DE L'ENFANCE, de Sigolène VINSON
Publié le 17 Octobre 2011
Roman - Editions Plon - 190 pages - 18 €
Parution en août 2011
Rentrée littéraire septembre 2011
L'histoire : La narratrice est avocate, parfois dans le droit du travail, et souvent, un peu gratuite.... Avant une audiance, elle suffoque d'angoisse et tombe dans les pommes. Pour elle, elle meurt, elle a l'habitude de mourir. En fait, elle fait le grand écart entre ses idéaux d'enfants, ses idées d'adultes et le monde tel qui l'est. Forcément, ça donne le vertige, surtout quandl'enfant courrait sur les cailloux chaud de Djibouti.
Tentation : Le pitch et Babelio
Fournisseur : Babelio et Editions Plon, merci pour l'envoi.
Mon humble avis : Ce livre est une autofiction.... Ce qui signifie que l'histoire est vraie, même si l'auteur, qui se met en scène, peut prendre toutes les latitudes possibles pour lui donner une dimension romanesque, quitte à maquiller, à exagérer ou à taire certains évènements.
Le fond est louable et le sujet nous affecte certainement tous un peu quelque part. Ce que nous étions enfants, ce que nous voulions devenir et ce que nous sommes. Entre ces états, il y a des trous plus ou moins béants chez chacun de nous. Donc ce sujet est assez universel. C'est plus la forme qui m'a moins convaincue. Cette alternance entre les temps. Le présent où une assez belle écriture frôle parfois une crudité inutile. Dommage, car ce texte compte de nombreux passages magnifiques et pas mal de "phrases citations" à cocher dans la marge. Le passé, tellement poétique qu'il m'a souvent échappé dépassé. Il décrit l'enfance de Sigolène à Djibouti... et finalement, il me reste assez peu d'images fortes et précises de cette époque, à part les machoires de requins que je visualise très bien.
Ensuite, il est souvent question de positionnement politique dans ce roman et cela m'a fatiguée car pour moi, le fond de la question n'est pas là et on s'éloigne du sujet. Peu importe que la gauche soit extrême ou à droite, Sigolène veut changer le monde et elle n'y parvient pas. Alors certes, cette partie sert surtout à évoquer l'influence paternelle dans la vie de l'auteur, de ce père ancien militant plutôt désenchanté et illuminé... La seule vérité, c'est le rêve... Ensuite, il y a la mère, qui parle en majuscule (un peu comme dans le roman de Sandrine Soimaud, Tu) et qui est si fière du métier de sa fille qui "TRAVAILLE TROP". Sigolène se plaint toujours qu'elle est en train de mourir, et cela m'a agacée. Sigolène est donc en burn out et atterrit quelques jours en unitée psychiatrique, où elle ne prendra aucun médicament. Elle dresse une galerie de portraits d'une poignée d'autres occupants du service, tous "dingues" d'une façon ou d'une autre. Ces portraits peuvent être touchants, je les ai trouvés plutôt caricaturaux et très résumés. Et de ces 4 jours en unité pyschiatriques, il ressort quantité de dialogues entre patients, dialogues qui semblent n'avoir ni queue ni tête (sens caché forcément, étant donné l'état psy) qui ne sont pas franchement agréables à lire ni même drôles. Les échanges Sigolène/psy m'ont même paru improbables donc peut enrichissant. Le seul moment drôle est finalement trop pathétique pour me faire rire. Enfin, c'est pendant ces 4 jours en unité psy que l'auteur trouve "la solution à sa vie"...Et plutôt que ces délires entre patients, j'aurais préféré suivre son cheminement plus en profondeur. De même, mettre autant de temps pour une si simple réponse... Je ne sais pas, je trouve étrange que Sigolène attende d'avoir bien dépassé la trentaine pour retourner sur ses racines qui lui manquent depuis si longtemps.... Bref, il était temps ! Il était temps aussi que je partage de l'empathie avec cette jeune femme qui finalement ne m'a pas émue plus que cela alors qu'elle avait vraiment matière à le faire avec son sujet. C'est quand elle retourne à Djibouti que je me suis retrouvée plus en phase avec elle, quand elle réalise que les choses ont changé, que les cadres ne sont plus à leur place, qu'elle n'est pas de "là-bas" comme elle le pensait. Cette partie là m'aatteinte car je l'ai vécue, dans une autre dimension. Deux ans en Guadeloupe, un retour pour de mauvaise raison en métropole. Et des regrets, des regrets jusqu'à une marche arrière inévitable. Retour sous les tropiques.... Oui, les choses ont changé, les souvenirs sont toujours plus beaux que la réalité car seuls les souvenirs ne changent pas.
De très beaux passages, des vérités exaspérantes mais si bien dites sur notre système et le métier d'avocat, un sujet louable mais qui pour moi, à cause d'effet de genre littéraire, est un peu survolé. En fait, je pense que ce livre aurait gagné en émotion par une narration moins stylisée, plus linéaire. Un récit m'aurait sans doute plus touchée qu'une autofiction en fait. En attendant, cette lecture me laisse partagée...
"Va plutôt te rouler te rouler dans les feuilles mortes, celles qui se sont toujours bien foutues du tronc et des racines, car c'est sur les branches qu'elles poussaient"