TUER LE PERE, d'Amélie NOTHOMB
Publié le 17 Septembre 2011
Roman - Editions Albin Michel - 150 pages - 16 €
Parution Août 2011
RENTREE LITTERAIRE
L'histoire : Joe, 14 ans, se retrouve rejeté par sa mère. Il erre alors dans Reno( Nevada) avec pour seul gagne pain sa passion et son savoir faire, la magie. Sa route croise celle du plus grand magicien américain. Celui ci deviendra son professeur, son maître, son père peut-être aussi. Tout dépend de la position de l'observateur de cette histoire...
"allez savoir ce qui se passe dans la tête d’un joueur"
Tentation : Mon incontournable Amélie Nothomb
Fournisseur : Manu, un pote qui m'a spontanément proposé ce prêt. Mille mercis, car ma bibliothèque tarde à faire ses achats cette année !
Mon humble avis :Tuer le père ne sera pas mon Nothomb préféré ! Par exemple, je me souviens d'une lecture bien plus jubilatoire de "une forme de vie", son opus de l'an passé. Cet année, je n'ai pas ri, sans doute parce que le sujet est au final plus féroce et cruel. L'auteur a glissé beaucoup moins d'autodérision que dans Une forme de vie. Je n'ai pas coché de petites phrases mémorables dans la marge et n'ai point intégré de nouveaux mots improbables dans mon pauvre vocabulaire. Même les prénoms des personnages se révèle d'un classique ! Joe .... Plus classique aurait donné John ! Aussi, étais-je un peu désorientée dans ma lecture, surtout qu'Amélie Nothomb prend ici un malin plaisir à se jouer de son lecteur. En effet, l'histoire ce déroule dans Reno et Las Vegas, des villes dédiées aux mariages et divorces express, au jeu, à la magie, au bluff, à l'argent, à l'appât du gain, aux experts de la police scientifique et... à la triche. Logique que l'on retrouve ces ingrédients dissimulés dans ces pages. Par moment, il m'a semblé que rien ne se passait, alors que justement, tout ce déroulait devant mes yeux. Et cette fin, ce coup de bluff de l'auteur, et bien je ne l'ai pas vu venir. Beaucoup de symboles dans ce livre, à commencer par le titre, un tantinet provocant, où il est question de paternité spirituelle, du besoin de filiation, de loyauté, de confiance, de moralité et des limites entre le bluff et la triche, même si la triche parfaite est un art... En tous cas, Amélie Nothomb ne triche pas avec ses lecteurs. Son style est toujours direct et se passe de superflus. On est dans un autre monde, un monde Nothombien déjanté et même temps moins exhubérant, bref, inédit ! Le coup de passe passe qui se joue devant nous laisse perplexe... Comme après un tour de magie on se demande ce qui est vrai, ce que nos yeux voient, ce que nos yeux ont manqué, quelles sont les ficelles du truc... Et bien ici, demeure la question : Finalement, "du père et du fils" qui manipule l'autre, le père est il vraiment tué (au sens figuré) où n'est- ce pas lui qui détient l'arme la plus dangereuse ? Qui est la victime, même si l'on sait très bien qui est le salaud dans l'histoire. D'ailleurs, ce personnage que l'on se prend à plaindre dans le début de l'histoire devient l'un des pires (car ultra subtile) monstre de la littérature nothombienne ! Mais point de manichéisme simpliste.... Car finalement, le moral se révèle têtu et l'amoral... persévérant... Curieux non ?
Vingt ans de littérature, 20 romans et toutes ses dents, Amélie Nothomb m'a encore surprise, déroutée, menée par le bout de nez, et laissée là où je ne m'attendais pas. A chaque fois, c'est une nouveauté qui m'est proposée ! Un roman complètement différent des précédents. La surprise est toujours au rendez vous ! Et c'est ce que j'apprécie chez cette auteure que j'aime profondémment et qui me le rend bien !
Tuer le père est un livre construit comme un tour de magie.... où les cartes maîtresses sont une bonne dose de freudien, une autre de nothombisme et une troisième d'un mystère qui s'appelle aussi talent. Une histoire à l'apparence plutôt simple qui se révèle une complexe métaphore cruelle des relations "père/fils". A vous de voir ! Mais n'oubliez pas de vous méfier des apparences... qu'elles soient dans un livre ou dans les personnes qui vous entourent.... Tout ne peut être qu'illusions !
Alors même si j'ai préféré l'opus de l'an dernier, je reste ravie de ce livre au sujet intelligent, très freudien, traité sous forme de conte moderne ou d'une parabole dont le titre pourrait être "le père prodigue". Car je sais qu'on ne peut pas toujours faire mieux quand on fait aussi différent...
Petit rappel.... L'année dernière, j'avais l'immense plaisir, à pareille époque, d'interviewer Amélie Nothomb. Pour relire l'interview, cliquer ICI