LA PLACE, d'Annie ERNAUX

Publié le 14 Mars 2023

Roman - Editions Folio - 114 pages - 6.10 €

Parution d'origine chez Gallimard en 1983

L'histoire : Annie Ernaux retrace ici la vie et la mort de son père. Pour ne pas oublier ses origines modestes, et leur rendre hommage. Ce père qui n'était jamais entré dans un musée, qui a eu une vie de labeur, qui a tout fait gravir les marches qui lui étaient possibles pour atteindre, mériter et garder sa place, sans jamais espérer l'inaccessible, l'autre côté. Qui se contentait de ce que la place lui accordait de confort, un peu plus doux au fil des décennies, et qui a accepté que sa fille s'éloigne, pour gagner une autre place, plus haute que la sienne.

Tentation : l'actualité littéraire

Fournisseur : Kdo de Noël

 

 

Mon humble avis : D'Annie Ernaux, je n'avais lu jusqu'ici que "L'autre fille", que j'avais beaucoup aimé. C'était il y a déjà plus de 10 ans ! Et voilà que 2022 couronne Annie Ernaux du Prix Nobel de Littérature ! Il me fallait à tout prix en découvrir un peu plus de cette grande dame.

La place, ce n'est pas un lieu. C'est la position. Le rang. La classe sociale. Celle du père d'Annie Ernaux et par extension de sa mère, de sa famille. Né paysan pauvre au début du XXème siècle, il deviendra ouvrier, puis petit commerçant d'une ville de province normande. Sa fille, Annie, sera scolarisée, puis étudiante... et deviendra professeur de lettres modernes. Un fossé qui s'élargit entre la place de la fille, et celle du père, un gouffre qui éloigne encore un peu deux êtres que la vie et l'époque ont toujours séparés d'une distance silencieuse.

J'ai aimé ce texte, énormément. Le contexte, les décennies qui défilent, les villes et leurs centres qui évoluent, les méthodes de consommation qui changent aussi. Le confort plus que rudimentaire, voire inexistant dans l'enfance du père, qui s'étoffe petit à petit, alors que le père monte une marche dans le rang social, gagne un peu plus après avoir tant réfléchis, transpiré, osé, pour mener sa famille à bon port, et mériter le respect... Et surtout, avoir la tête haute, sans se la jouer non plus, sans imposture. Rester à sa place quoiqu'il en soit. Faire attention au regard de l'autre. Et puis il y a tous ces us et coutumes qui sont maintenant d'un autre temps, et qu'il est utile de rappeler... Oui, la vie fut comme cela à une époque... 

J'ai aimé la description subtile, sans reproche ni fierté déplacée, de la migration d'Annie, depuis un milieu populaire, où l'on ne cause pas toujours un français correct, vers un entourage estudiantin, professionnel et personnel intellectuel et bourgeois.

Enfin, j'ai aimé cette écriture, épurée, narrative, pudique aussi, qui ne s'encombre pas de fioritures ni de détours. Pourtant, certaines phrases ou assertions claquent et s'impriment dans l'esprit du lecteur. Une langue presque abrupte pour rester au plus près de ce que les choses ont été, ne pas trahir... mais tout en restant à une certaine distance. 

Mais pour moi, ce texte reste un bel hommage au père, un homme droit, qui grâce aux classes sociales acquises par son labeur, alliées à l'évolution des droits républicains, a permis à sa fille de s'élever encore plus... même si cela signifiait : s'éloigner, et ne plus forcément se comprendre.

Un livre qui peut parler à tous et toutes...

Rédigé par Géraldine

Publié dans #Littérature française

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M
Je l'ai lu il y a longtemps et je compte le relire durant l'année. J'avais beaucoup aimé ! J'ai recommencé en douceur à la relire et j'ai acheté pour l'avoir à la maison le Quarto qui regroupe certaines de ses oeuvres. Merci de partager ton ressenti
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A
Figure-toi que je n'ai toujours pas lu Annie Ernaux, mais il faut dire qu'elle ne m'a jamais vraiment tentée, et pas plus depuis son prix Nobel. Cela viendra peut-être un jour. Il y a des choses qui ne se commandent pas.:)
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P
J'ai lu tellement de critiques à son endroit que je n'ai pas envie de la lire.
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L
c'est mon texte préféré de cette écrivaine.
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A
Je suis heureuse de lire que tu as aimé. Quelle révélation quand je l'ai lu étudiante.
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