SAUVAGINES, de Gabrielle FILTEAU-CHIBA
Publié le 6 Décembre 2023
Roman - Editions Folio - 387 pages - 9.20 €
Parution Folio Février 2023 - Stock 2022
L'histoire : A 40 ans, Raphaëlle est Agente de Protection de la Faune, dans la forêt boréale entre le St Laurent et la frontière américaine : le Kamouraska. Elle vit seule, isolée, dans une cabane, avec pour seule compagnie sa chienne Coyotte. Un matin, celle-ci disparait. Après une longue recherche, Raphaëlle la retrouve prisonnière et profondément blessée dans des collets... Tout autour, un véritable charnier... Un braconnier sans scrupules sévit là... Raphaëlle n'aura de cesse de se venger, et surtout de mettre fin à ce carnage. Puisque la loi est bien impuissante, elle en sortira...
Tentation : L'avis de Lecturissime
Fournisseur : Ma CB
"Pourquoi donc a-t-on tant besoin de posséder la beauté ? Et si on la laissait vivre en paix dans l'espoir de la recroiser un jour ?"
Mon humble avis : Un peu de littérature Québécoise, ce n'est pas courant sur mon blog. Aussi, vous voilà prévenu, il faut quelques pages pour s'habituer au style et aux idiomes bien typiques de là-bas. En fin de roman, un glossaire peut vous aider, mais dommage, au fil du texte, il manque les astérisques. Mais peu importe, je ne me suis pas servi de ce glossaire car tout est bien compréhensible, et cette langue qui m'a emmenée ailleurs, je l'ai fichtrement aimée ! A 'est, je suis bilingue en Québécois !!!
J'ai beaucoup aimé ce roman, avec un petit bémol sur la fin qui s'étire en une histoire d'amour, dont, en quelque sorte je me serais passée, et qui m'empêche le coup de coeur. Mais cette relation démontre aussi que nombre d'ermites le sont surtout faute d'avoir trouvé "chaussure à leur pied", donc pourquoi pas.
A part cela, on suit tout d'abord le quotidien de Raphaëlle, qui protège les ours, les coyotes, les orignaux, les lynx, qui vénère le Cerf Blanc et Grand Pin. Une vie au plus près de la nature et de ses potentiels dangers quand elle trouve aux abords de sa cabane des empreintes d'ours. Mais le travail de Raphaëlle consiste surtout à maintenir l'équilibre fragile entre la faune, l'humain et l'habitat naturel. Donc son quotidien est fait d'éducation, de prévention, de vérification de permis de chasse etc...
Puis advient l'accident de sa chienne... De rage, Raphaëlle démolit tout le matériel mis en place par le braconnier, ce qui, hélas, n'est pas légal... Elle va devenir alors la proie potentielle du braconnier, avant que la situation ne s'inverse. Car Raphaëlle découvre l'identité de ce dernier. Un homme puissant et craint dans la région, que personne n'ose dénoncer, alors que même avec les femmes, il se conduit très très mal...
Dans ce roman, on est entre nature writting et thriller. On est captivé, séduit, bercé et outré. Car Raphaëlle baisse les bras devant le peu de moyens dont elle dispose pour faire son métier.
Sauvagines est un plaidoyer pour la nature, et un pamphlet qui dénonce l'inertie et l'hypocrisie d'un gouvernement à la solde des lobbies... Car la chasse et tout ce qui l'entoure rapporte beaucoup d'argent. Aussi quand elle entend à la radio que l'Etat augmente drastiquement le quota de chasse sur les coyotes, sans aucune étude préalable, Raphaëlle est verte de rage... Les espèces déclinent ou disparaissent au fur et à mesure que le territoire est perforé de coupes blanches et surtout, l'animal ne doit pas déranger l'humain...
Gabrielle Filteau-Chiba n'a rien contre les trappeurs ancestraux, qui chassent pour se nourrir, dans un respect profond de la nature et de l'espèce animale. Chasser juste ce qu'il faut, pas pour faire commerce de peaux et de fourrures qui iront en tours de cous dans ma belle société montréalaise.
Il y a fort a parié que l'autrice est très présente dans l'un des personnages principaux.
Une héroïne très attachante, un roman intéressant aussi intense, qu'engagé, un cri d'amour et de désespérance pour la nature. Avec beaucoup de poésie. Je conseille vivement !
La technologie a gâché la noblesse du rapport de force entre l’homme et l’animal.
Ils ont tué. Ils ont aimé ça. Ils ont soif de recommencer et d'une bonne Bud. Le svelte chasseur-pourvoyeur d'autrefois est devenu dans une très vaste mesure un collectionneur bedonnant.
Le gouvernement a décidé que les méthodes de piégeage devaient dorénavant limiter la douleur chez l'animal à un seuil comparable à celui de l'industrie agroalimentaire. Drôle de standard.
Les déchets que je ramasserai en dévoileront d’autres, d’une autre époque. Preuve que la décomposition du plastique prend des siècles, que bien des chasseurs ne font pas le lien entre la qualité de l’habitat et la survie d’une espèce. Quelle ironie, ils polluent l’espace vital de la bête lumineuse qu’ils rêvent de griller en sauce !
Oui, je transgresse la ligne de pensée nationale et je désobéis au Code criminel, mais j'ai bien plus peur du braconnage des derniers grands mammifères que d'une vie en cage. Parfois, l'histoire le démontre, la désobéissance et la rébellion ont permis le progrès.
Je suis agente de protection de la faune, mais au fond, je ne protège pas les chassés. Non, je suis le pion du gouvernement sur un échiquier trop grand pour moi. Un bien beau titre sur papier.