BADJENS, de Delphine MINOUI
Publié le 28 Novembre 2024
Roman - Editions du Seuil - 160 pages - 18 €
Parution le 19 août 2024 : Rentrée littéraire
L'histoire : Iran, Chiraz, automne 2022. Au coeur de la révolte "Femme, Vie, Liberté, une jeune femme grimpe sur une benne à ordure et est prête à mettre le feu à son foulard sous les encouragements. Elle n'a que 16 ans. Son père l'a nommée Zahra, mais sa mère, c'est un tout autre surnom qu'elle lui donne : Badjens. Mot à mot, cela désigne le "Mauvais genre" mais en persan de tous les jours, Badjens cela signifie "Effrontée, espiègle". Un surnom comme un premier signe d'émancipation ?
Tentation : Le sujet d'actualité + le billet de Violette
Fournisseur : La bib de St Lunaire
Mon humble avis : Voici un roman qui se lit en apnée, et qui, une fois la dernière page tournée, vous laisse K.O et sans voix.
Ce n'était qu'il y a deux ans, et pourtant, on n'en parle plus ou presque. D'ici il semble que la fatalité des lois islamiques de l'Iran ait eu raison du courage et de la détermination de millions de femme qui ont fait la révolution dans les rues, suite au décès de Masha Amini, une iranienne arrêtée par la police des moeurs pour quelques cheveux qui dépassaient du voile.
L'autrice franco iranienne Delphine Minoui nous replonge au coeur de cette période, période dans laquelle elle nous conduit pas à pas à travers la vie de la jeune narratrice, depuis sa naissance jusqu'à ce jour où elle ôte son voile au milieu de la foule.
Le ton est vite donné... "J'ai 16 ans et je suis morte le jour où je suis née". Parce que Badjens est une fille. Quelques mois avant, lors d'une échographie, l'obstétricienne s'était excusée. "Désolée, c'est une fille". Un avortement est envisagé, mais trop cher...
Zahra sera donc invisible aux yeux de son père autoritaire et inflexible. Mais Badjens pourra compter sur l'amour et la complicité de sa mère qui lutte discrètement contre le patriarcat, chez elle, dès que son mari a le dos tourné. Plus tard, la mère luttera depuis son balcon, en applaudissant les cortèges de manifestantes.
Badjens nous narre donc son quotidien, celui de son enfance, de son adolescence, ses copines, leurs secrets, et leurs moyens et échappatoires pour contourner les interdits patriarcaux qui font d'elles des sous individus sans droits, juste avec des devoirs... Celui de porter le voile, de se taire, celui d'obéir, celui de subir, notamment les agressions sexuelles... Ce roman montre vraiment l'hypocrisie et la misogynie de la constitution iranienne et de la plupart ses citoyens masculins.
Un roman court mais uppercut sur le courage et l'émancipation des femmes iranienne. Cette quête de liberté individuelle et collective bouleversante est servie par une forme, un ton et des mots qui claquent, remarquablement adéquates. Une histoire grave, mais une lecture que je n'ai pas trouvée plombante. Car il y a l'énergie, l'envie, la détermination. Un livre nécessaire, incontournable, qui me fait dire une fois de plus ma chance d'être née en France. Certes, le droit des femmes a encore beaucoup de progrès à faire, mais au moins, dans l'absolu, le grand tyran dans ce domaine-là n'est pas l'institution qui écrit les interdits. Le bafouage des droits de la femme est je pense chez nous, plus une question de mentalité générale et d'éducation individuelle. Dans l'absolu, en France, en tant que femme, j'ai autant de droits légaux que mon voisin masculin.
Ce roman est là pour que ne tombent pas dans l'oubli toutes ses femmes iraniennes qui se sont rebellées contre le sort que leur réserve leur pays, qui se rebelleront encore, en Iran ou ailleurs. Entre espoir et désespoir, Badjens est un magnifique roman. Puissant, qui va droit au but.