DE MON PLEIN GRE, de Mathilde FORGET
Publié le 14 Mars 2024
Roman - Editions Grasset - 138 pages - 15 €
Parution Grasset en mars 2021 (existe en poche)
L'histoire : D'elle même, elle se rend au commissariat après le crime. Parce qu'elle se croit coupable, puisque la société se comporte avec elle comme si elle l'était.
Tentation : Pour le club de lecture de St Lunaire
Fournisseur : Bib de St Lunaire
Mon humble avis : On ne saura jamais le nom de la narratrice. Et ce n'est qu'au fil des pages que sera nommé le crime dont il est question. Même si, dès le début, on le devine. Les indices sont là. Elle est victime mais la société et les institutions judiciaires se comportent avec elle comme si elle était coupable. Alors, l'enquête est en cours, à la recherche du moindre indice ou de la plus solide des preuves pour s'assurer qu'elle n'a vraiment pas voulu que cela advienne...
La narratrice pourrait ressembler à l'autrice... Alors, récit autobiographique ou pas, je l'ignore. Il n'empêche, ce roman atteint magistralement son but, frapper, mettre K.O. Par la forme, par le style, par ma mise en page, tous très originaux et déstabilisants. Il m'a semblé que l'écriture se modifiait en cours de récit, comme pour suivre l'évolution de la narratrice... Des phrases courtes pour la sidération. Les questionnements et les répétitions, les obsessions, le désordre, le déjanté pour le stress post traumatique. Ensuite des phrases plus longues, des réflexions menées plus loin, plus profond traduisent le long terme, combinaison de tristesse, de peur, de perte de la légèreté. Le tout est comme vu de l'extérieur, à distance. Parce que c'est ainsi que la narratrice se positionne face à elle-même pour fuir l'insoutenable. Elle semble extraite d'elle-même. Cela frôle la froideur. L'exercice littéraire est osé, particulier, mais fait particulièrement corps avec son difficile et dur sujet. Il peut plaire, déplaire, mais pas laisser indifférent.
Mathilde Forget dissèque avec singularité les conséquences du trauma, mais aussi cet abominable processus judiciaire qui vous traite comme si vous étiez peut-être coupable. On peut comprendre que ce même processus, souvent flanqué de maladresses, n'incite pas les victimes à solliciter la justice. Le crime n'est pas le sujet central du roman même s'il en est l'intrigue. Ce sont les conséquences sociales, psychologiques et judiciaires qui le sont. Dans ce sens, ce roman est nécessaire. Mais sa lecture, bien que courte, d'ailleurs trop courte je dirais pour une fois, ne m'a pas été agréable... En même temps, vu le sujet, je ne vois pas comment elle aurait pu l'être. D'où mes 3 pattes.
Par contre, je ne comprends pas le bandeau de la version poche, signé Delphine de Vigan : "Mathilde Forget : aborde les sujets les plus graves avec une légèreté qui n’appartient qu’à elle." Je n'ai pas trouvé cette soi-disant légèreté. Au contraire. La sensation d'étouffement est omniprésente.