COMPAGNONS, film de François FAVRAT
Publié le 6 Mars 2022
Film de François Frajat
Avec Najaa, Pio Marmaï et Agnès Jaoui
Synopsis : À 19 ans, passionnée de street art, Naëlle est contrainte de suivre avec d’autres jeunes un chantier de réinsertion, sa dernière chance pour éviter d’être séparée de ses proches. Touchée par la jeune fille, Hélène, la responsable du chantier, lui présente un jour la Maison des Compagnons de Nantes, un monde de traditions qui prône l’excellence artisanale et la transmission entre générations. Aux côtés de Paul, Compagnon vitrailliste qui accepte de la prendre en formation dans son atelier, Naëlle découvre un univers aux codes bien différents du sien... qui, malgré les difficultés, pourrait donner un nouveau sens à sa vie.
Mon humble avis : J'ai beaucoup, beaucoup aimé ce film, et c'est difficilement que j'ai retenu ma petite larme à la fin... Larme de belle émotion et non de tristesse.
Compagnons s'ouvre sur la violence urbaine et sociale de la cité Bellevue à Nantes. On y suit Naëlle, l'héroïne du film, une jeune fille toute en violence, en révolte, mais au bon coeur. Une chouette nana avec les valeurs qu'elle peut se permettre dans le milieu dans lequel elle évolue. Elle s'évade dans le graff mais n'a d'autres choix pour survivre à la violence environnante que de répondre... par la violence...
Jusqu'au jour où elle reçoit une vraie main tendue... Celle d'Agnès Jaoui, "mère" dans une maison de Compagnons, mais aussi bénévole sur un chantier de réinsertion. C'est elle qui la fera rentrer dans Les Compagnons du devoir, dans l'espoir qu'elle y passe un CAP et trouve sa voie, mais surtout, pour qu'elle échappe à son milieu... Evidemment, le chemin de Naëlle au sein des Compagnons du devoir ne sera ni simple ni direct, mais il sera beau et portera ses fruits, de très beaux fruits.
J'ai aimé le pont créé entre différents arts... Naëlle aime le graff, ce qui l'aimera à aimer les vitraux. Deux arts aux antipodes sociales et pourtant, avec une apparence et une approche artistique très proche.
J'ai aimé découvrir en profondeur les Compagnons du devoir. Je n'avais qu'une vague idée de ce qu'ils étaient et ignoraient tout de leur mode de vie et leurs valeurs. Je ne connaissais que leur réputation d'excellence artisanale. Jusqu'à 2004, c'était un univers uniquement masculin. Le film montre bien que l'entrée des femmes dans ce milieu n'est pas encore tout à fait acquise pour tout le monde, que les préjugés sont encore là. Leur devise est : "Capable, digne, libre et généreux"
Et ces qualités, c'est à force de courage et de travail que Naëlle va les acquérir, mais aussi, grâce à l'aide et l'entraide prônée par les compagnons. Au long du film, Naëlle se transforme magnifiquement... parce qu'elle a trouvé des personnes auprès de qui déployer ce qui dormait à l'intérieur d'elle-même faute de place et conditions pour se manifester, s'épanouir.
Le film montre bien que nombre de jeunes de ces banlieues pourraient s'en sortir, s'ils rencontraient les bonnes personnes, si des mains solides se tendaient vers eux. Mais tendre la main n'est pas suffisant... Outre leur donner l'accès à un réel apprentissage et à une éducation sérieuse, il faut avant tout les débarrasser des boulets qu'ils trainent et qui les collent au sol. Connaître et comprendre avant de juger.
Les scènes de chants des compagnons sont particulièrement belles et émouvantes. Comme pour le personnage de Naëlle, quand on ne connait pas, au début, elles peuvent prêter à sourire et puis, on réalise leur puissance, leur symbolique et l'émotion nous gagne.
Un très beau film donc, qui met en lumière le travail manuel (les mains aussi peuvent être intelligente), un film qui fait du bien, de belles valeurs qu'il est bon de retrouver et de constater qu'elles ont quelque part des temples qui les protègent et les maintiennent en vie. Et surtout, une magnifique, puissante et bouleversante actrice, en la personne de Najaa... Je pense qu'avec un tel rôle à son actif, sa carrière va prendre un bel élan plus que mérité !