LES INSOLENTS, d'Ann SCOTT

Publié le 17 Novembre 2023

Roman - Editions Calman Levy - 280 pages - 18 €

Parution le 23 août 2023 : Rentrée littéraire et prix Renaudot

L'histoire : Alex, 45 ans, célibataire et parisienne, est compositrice de musiques de film. Elle décide de fuir la capitale, et de s'exiler avec son minimum vital dans un coin du Finistère, proche de la mer.... Partir, quitter, pour se réinventer.

 

Tentation : Le pitch

Fournisseur : Ma CB

 

 

 

Mon humble avis : "Marie Thérèse, ne jurez pas"! 

Mais si, je vous jure, j'ai acheté ce roman quelques jours avant qu'il ne soit couronné du prix Renaudot 2023 !" 

Oui, parce que j'en avais envie, parce que Alex, 45 ans, qui quitte Paris pour se réinventer dans le Finistère, ça aurait pu être moi qui quitte Rennes à 49 ans pour Dinard, qui quitte Lille pour la Guadeloupe, qui quitte Lille pour Paris, Paris pour la Bretagne,  Rennes pour la Guadeloupe, Lille pour Londres etc... Bref, tous ces endroits qui j'ai quittés, certainement pour me réinventer, ayant sans doute la sensation à chaque fois d'être parvenue au bout de quelque chose.

Bon, et bien Alex n'est pas moi, et je ne suis pas Alex. Notre point commun : le célibat, et donc la solitude, qui deviennent un choix.... Et donc un luxe lorsqu'il est assumé.

Pour le reste, rien de bien semblable... Car ce roman m'a paru très "entre soi". A mes yeux, il reste très parisien, très "le marais", très bobo artistes et de ce fait, il passe un peu à côté de l'universalité du sujet. Les personnages trainent une mélancolie sur-vitaminé d'activités et de relations qui ne semblent là que pour tromper l'ennui. Ils pourraient paraître "enfants gâtés" et pourtant, c'est tout l'inverse, puisque chacun traine des bagages remplis de plomb... Tous les décès autour d'eux sont liés à des suicides, à des overdoses etc. Tous font ou on fait usage de substances illicites et tous aiment parfois au féminin, parfois au masculin ou les deux.

Donc Alex débarque dans le Finistère, loue une maison sans confort et s'installe, s'adapte, découvre au fur et à mesure son nouvel environnement, et cette vie faite désormais de silence et d'isolement. Elle constate les différences entre le Finistère et Paris, pense à ses meilleurs amis, Jacques et Margot restés dans le Marais, se remémore ses dernières amours ratées. Elle espère la visite de ses amis, visite qui ne vient jamais... Alors qu'advient le Covid, le confinement etc...

Et puis, entre deux, intervient Léo, un trentenaire qui croise Alex sur la plage. Léo, qui des années plutôt a été tabassé gratuitement presque à mort, n'est pas remis psychologiquement de cette agression.

Ce roman est très intimiste et porte certainement une part importante d'autobiographie je pense. Il se lit bien, l'écriture est fluide (mais m'a semblé moins poétique que lors de ma précédente lecture d'Ann Scott). Cependant m'a manqué la hâte d'y retourner. Il y a de nombreux passages de magnifiques fulgurances humaines et littéraires et d'autres plus plats, un peu redondants où les amis d'Alex paraissent capricieux, égoïstes, pathétiques par moments, malgré leurs circonstances atténuantes.

Les insolents est un livre résolument contemporain, qui offre une cartographie réaliste et déçue de notre époque, de notre monde, avec sa multitude d'aberrations ou d'impensables qui sont devenus tristement réels. D'un monde où il serait plus que temps de modifier la trajectoire collective faite d'individualités où peu prennent leur responsabilité. D'un monde où il ne faut plus "genrer" car ce serait excluant, mais où la sexualité se divise en groupe de catégories et de sous catégories où personne ne comprend plus rien, mais des catégories revendiquées par les intéressés, alors que par définition, une catégorie est clivante. Un monde où l'art devient travail à la chaîne et n'intéresse que s'il est gratuit. Que dire des réseaux sociaux, générateurs de haine, où les QI de moins de 80 s'étalent sans complexe... Contemporain aussi, le côté Parisien qui vient au vert... Même si Alex a quelques mois d'avance sur la majorité. Et générationnel... le passage de la cinquantaine et le régiment de questions personnelles qui l'accompagne.

Les amis d'Alex, ni leur vie et environnement ne m'ont pas passionnée. Léo m'a bouleversée. J'ai accompagné Alex, en attendant un peu plus de sa révolution personnelle. Par contre, l'acuité et la lucidité avec lesquelles Ann Scott décrit notre époque et ses désillusions sont parfaites, intéressantes (j'aime quand des auteurs mettent des mots que je ne trouve pas sur ce que je remarque, ressens, et en plus, en fond de belles phrases et des paragraphes cohérents, étaillés etc). A ce titre, Les insolents peut vraiment être un roman témoin d'une époque précise (le début des années 2000 à nos jours), et s'est sans doute cela qui lui a valu le prix Renaudot.

 

Rédigé par Géraldine

Publié dans #Littérature française

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G
Je n'avais pas vu qu'il avait eu le prix Renaudot... il faut dire qu'il y a tellement de prix ! Bon, au vu de ton ressenti, je n'en fais pas une priorité.
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A
Je ne te trouve pas suffisamment emballée mais je suis contente de lire un avis sur ce roman.
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A
Un roman qui ne me tente pas vraiment ; à la lecture de la 4e de couverture j'ai redouté ce dont tu parles dans ton billet, le côté entre-soi du Marais, un milieu assez vide et sans grand intérêt.
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A
Ah oui, c'est en effet résolument contemporain, de par les thématiques qui ressortent. J'étais plus intéressée par la partie "partir pour se réinventer" en imaginant une histoire plus subtile et délicate peut-être.
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P
Eh bien dis donc ! tu as beaucoup bourlingué ! <br /> Le Renaudot fait moins de bruit que le Goncourt (que je lirai cette année d'ailleurs, c'est rare). <br /> Celui-ci, je ne sais pas. Il ne me tente pas plus que ça. <br /> Bon weekend
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K
Avant le p rix, je n'en vais pas entendu parler. Rien ne presse, mas je comprends que l pitch t'ait attirée
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L
Un très beau billet sur un livre que je ne lirai sans doute pas.
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M
J'ai vu en effet qu'il avait eu le Prix Renaudot et il a l'air de bien le mériter. Je l'ai déjà noté parce que j'aime bien moi qui prend de l'âge chaque année davantage lire de temps en temps des romans contemporains, une manière de ne pas lâcher prise sans doute, de mieux comprendre mes enfants peut-être aussi. Merci pour ta chronique tellement sincère, j'aime aussi comme tu le dis quand un auteur met "des mots que je ne trouve pas sur ce que je remarque, ressens".
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