Publié le 21 Août 2024
Roman - Editions Albin Michel - 600 pages - 22.90 €
Parution le 14 août 2024 : Rentrée littéraire
Mon pitch : François, quadragénaire, est un acteur de théâtre très réputé. Un matin, il quitte l'appartement de sa maîtresse de 24 ans, avec qui il a le projet de s'installer. Mais son scooter percute un bus... L'accident est très grave, François ne marchera plus jamais...
Son entourage pensait qu'Eléonore n'était qu'une jeune opportuniste. Mais elle est profondément amoureuse... Sera -t-elle assez forte pour porter et supporter François sans se perdre. Et François, parviendra-t-il à se relever, à se créer une nouvelle identité, ou à redevenir lui, différemment, mais lui, peut-être en mieux ?
Jusqu'où peut on aimer ?
Tentation : Curiosité
Fournisseur : Gilles Paris, merci pour l'envoi (SP)
Mon humble avis : C'est par pure curiosité littéraire que je suis entrée dans ce bon gros pavé de 600 pages (tout ce que je déteste à priori), que j'ai pénétré pour la première fois dans l'univers de Mélissa Da Costa, désormais l'autrice la plus vendue en France. Et c'est avec avidité que j'ai tourné les pages, de façon presque addictive, et que j'ai terminé ma lecture tard dans la nuit. J'ai fermé le livre mais je ne l'ai pas quitté, car je pense que Tenir debout et ses personnages me poursuivront à jamais. Je le classe dans ma catégorie des romans inoubliables et c'est peu dire. En fait, je suis subjuguée, oui c'est le mot, par le talent que déploie Mélissa Da Costa à chaque ligne. L'histoire, la construction, le rythme narratif qui ne faiblit jamais, l'absence de descriptions inutiles et de remplissage stérile, pas une page de trop en fait, alors que c'est un reproche que j'adresse régulièrement à mes lectures. Et l'écriture, impeccable. Naturellement fluide, tout en étant élégante, mais pas de mièvrerie, pas de tic de langage. Un style qui sert son sujet et non le contraire.
On est très loin ici du feel good, même si l'on pressent une fin heureuse évidemment, sans pour autant imaginer celle-ci un seul instant. Les personnages ne sont pas épargnés et le lecteur non plus. On porte à bout de bras ce couple fragilisé par l'irruption du handicap moteur (paraplégie). Tout est à reconstruire, les corps, les âmes, les repères, la vie. Et c'est un long, très long chemin, fait de révoltes, de colères, de haines, de dépressions, de changements, d'adaptations, de fatalité, d'acceptations, de mises en place, de renoncements, d'un pas en avant trois pas en arrière, de résilience, de reconstruction, d'abnégation, d'incompréhension, de disputes, de réconciliations, de naissance, de renaissances. Il en est une qui donne plus tout et supporte tout au point de s'oublier et de s'effondrer. Il en est un qui découvre ce que c'est que d'être aimé pour ce que l'on est vraiment, au fond de soi, malgré le handicap, et qui de ce fait, apprend à aimer vraiment... et différemment.
Longtemps encore après l'accident, François focalise sur sa virilité perdue. Il pense que seule sa virilité fait de lui un homme, un homme aimant et aimable. M'aurait-il paru aimable avant son accident ? Séduisant certainement, aimable non. Après l'accident, il développe un caractère de chien. S'il n'était pas désormais cloué dans un fauteuil, en tant que lectrice, je lui aurais volontiers envoyé plusieurs paires de gifles et je me serais sans doute même barrée bien loin, fauteuil ou pas. Et pourtant, Eléonore surmonte, tant bien que mal. Et à eux deux, ils nous font vivre de véritables montagnes russes émotionnelles. On tremble, on retient notre respiration, on prolonge la lecture à des heures indues...
Et puis il y a les personnages secondaires qui apportent une belle énergie, de l'oxygène au roman, et un soutien, même si parfois lointain, à nos deux malmenés par la vie. Il y a Elsa l'infirmière du centre de rééducation de Garches, Ryan, le compagnon de chambrée de François, les parents et la grand-mère d'Eléonore, Isabelle, l'ex épouse de François, la trompée, la quittée... Mais qui est là tout de même avec ses forces. J'ai adoré l'évolution de la relation entre l'ex-femme et la nouvelle compagne. J'ai aimé chacun d'eux.
Evidemment, Tenir debout est un aussi un roman sur le handicap, ici la paraplégie. Je ne m'étendrais pas sur le sujet, puisque vous lirez certainement le livre. Mais Mélissa Da Costa n'élude rien du parcours du combattant ni des souffrances et des difficultés physiques, matérielles, psychologiques, relationnelles, sociales que cela représente... Pour le patient, mais aussi pour son entourage. Elle est bien sûr documentée sur ce délicat sujet et tout, absolument tout sonne très juste... et invite chacun à se questionner... Si l'un de mes proches, ou si moi... Aurais-je la force ? Même après cette lecture magnifique, je doute bien de mes capacités à endurer cela. Peut-être que l'instinct de survie est finalement plus fort que tout...
Tenir debout ce n'est pas forcément marcher. C'est ne pas couler, c'est garder la tête haute, c'est former un couple "qui tient debout", c'est résister pour soutenir l'autre, c'est se passer le relais quand l'autre n'y arrive plus. C'est aimer en fait. Aimer l'autre, s'aimer soi -même quoi qu'il advienne. Et peut-être, c'est tenir sur ses jambes, même si ce n'est que quelques minutes et épaulé par des bras bienveillants.
Roman bouleversant, et magistralement mené. Avec des personnages qui sont des héros invisibles de la vie, et qui leur rend superbement hommage. Cette rentrée littéraire commence très bien pour moi :)